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Final Fantasy
Angie, episode Geostigma
Darkangel Guard
Résumé : Je n\'étais qu\'une gosse de riche sans importance, et du jour au lendemain, je me retrouve projetée sans défense sur Gaïa, sauvée in extremis par cet énergumÚne énervant qu\'est Vincent Valentine. Outre le fait que j\'ignore la raison de ma présence ici, Geostigma a envahi la planÚte et possédé les monstres, et quelque chose me dit que je vais devoir y faire quelque chose...quand il est évident que je ne sais rien faire. Je ne maßtrise pas mes pouvoirs, et je vais *probablement* mourir avant d\'y arriver, je le dis. \"Je te protégerai.\" dit Vincent...mais la vérité est qu\'on ne se supporte pas. Dystopie.Post Advent Children. VincentxOC
Disclaimer : L\'univers de Final Fantasy appartient de droit Ă Square Enix Corporation.
Ăa y est ! La partie 2 est prĂȘte ! Et pour info : si pour autant le chapitre dernier Ă©tait difficile, celui-ci est passĂ© comme une lettre Ă la poste. Je ne spoile rien, sachez juste que jâai passĂ© un trĂšs bon moment qui je suis sĂ»re, Ă©tait attendu depuis longtemps. Jâavais trĂšs peur de rĂ©vĂ©ler Angie sous un jour que personne ne connaissait Ă part moi aprĂšs tout cet investissement, surtout si tĂŽt dans lâintrigue (dans la nouvelle version dâautant plus) parce que jâai lâimpression quâon a pas vraiment eu le temps de sâattacher rĂ©ellement Ă Angie. Elle est en quelque sorte en probation pour tout le monde. Mais jâose espĂ©rer que les gens verront les chapitres suivants comme enfin un parti pris, une direction donnĂ©e et engagĂ©e dans ce personnage. Et omg je rĂ©alise que je ne suis jamais allĂ©e au-delĂ du chapitre-22 toutes histoires confondues. Câest une pierre Ă marquer pour moi. Ce serait mĂȘme encore mieux si je pouvais reprendre toutes mes fics XD. En relisant lâancienne version, je mâĂ©tais arrĂȘtĂ©e au milieu du chapitre-22, aprĂšs NoĂ«l, rattrapĂ©e par la vie et ayant perdu le fil de lâhistoire. Je me demandais si ce que je racontais avait encore un quelconque intĂ©rĂȘt bien que jâavais toute la trame dĂ©jĂ bien en tĂȘte depuis sa crĂ©ation. Pour vous spoiler (je pense que je ne gĂąche rien), le chapitre se concentrait sur le couple CloudxTifa, qui contrairement Ă AngiexVincent qui venait de prendre son envol (dans lâancienne version je prĂ©cise), et bien battait beaucoup de lâaile mais ne prenait jamais. Cloud nâarrive pas Ă avoir de sentiments aussi forts pour quelquâun dâautre quâil en avait eu pour Aerith. Voir Angie, une Cetra aussi (câĂ©tait seulement suggĂ©rĂ© dans la premiĂšre version et la rĂ©vĂ©lation venait beaucoup plus tard), lui faisait ressasser ses souvenirs. On voyait Reeve donner son avis et Tifa observer avec peine les attentions que Shera et Angie recevaient. CâĂ©tait reposant pour une fois de enfin Ă©crire Angie et Vincent ensemble. JâespĂšre y arriver Ă nouveau et profiter Ă nouveau de ce moment dâallĂ©gresse ï. Aujourdâhui tous les Ă©vĂšnements ont Ă©tĂ© largement repoussĂ©s mais hey ! Je pense que câest pour le mieux. VoilĂ , câĂ©tait pour Ă©tancher votre curiositĂ© si jamais ï (oui Full, je te regarde plus particuliĂšrement. Encore un grand merci Ă Eclipse1995 et Full1, Ă qui je dĂ©die donc comme le prĂ©cĂ©dent ce chapitre, et ce moment tant attendu ! Ainsi quâĂ tous ceux qui ont rĂ©ussi Ă tenir jusquâĂ aujourdâhui. CâĂ©tait dur, je sais, pour moi aussi x). Surprise Ă vous aux bloopers mes amours !
Chapitre 22 :: ...rencontre irrésistible
Cette conversation me trotta dans la tĂȘte pendant des jours entiers. Je reste des heures sur le cĂŽtĂ©, Ă mĂ©diter ou essayer de dormir et de manger, dans une sorte dâĂ©tat second, Ă peiner Ă interagir avec elle et encore plus avec Vincent. Je le regarde avec insistance, comme si son beau visage pouvait me crier la vĂ©ritĂ©, mais je nâarrive Ă avoir aucune rĂ©ponse simple ou directe.
(Music : Picking Flowers de FFVII Remake)
Lorsque je pris un bouton de rose de la haie, mon pÚre lùcha ma main pour tapoter ma joue trÚs sévÚrement. Je le regardai, surprise.
-Nâarrache jamais les fleurs, Angelina. Ni aucune plante. Elles vivent. Elles sont faites pour ĂȘtre admirĂ©es et traitĂ©es avec soin. Mais elles sont sans dĂ©fense. Ne te crois pas toute puissante.
Je la tins du bout des doigts, ne sachant plus quoi faire. Avait-elle souffert lorsque je lâavais arrachĂ©e ? Dâun geste sec, il la plaça Ă mon oreille en soupirant. Il Ă©tait clairement mĂ©content.
-Si tu prends Ă la nature, tu dois lui rendre. Si tu sacrifies une chose pour une autre, tu dois lui faire honneur et prendre soin de ta nouvelle acquisition.
Il reprit vivement ma main pour continuer la promenade.
-Ne prends pas pour toi les choses que tu dĂ©sires ou trouves belles par cupiditĂ© et Ă©goĂŻsme. Nous valons mieux que cela. Ici, le mal est fait. Cette rose ne refleurira plus jamais. Tu ne lâas prise pour toi que pour un temps. Tu ne peux pas enfermer tes dĂ©sirs. Toute chose est Ă©phĂ©mĂšre. Comme cette rose. Elle va faner, puis mourir. Comme ta mĂšre.
Je baissai la tĂȘte.
-Chaque action que tu entreprends a des consĂ©quences. Tu dois traiter avec soin, compassion, et prudence. Pour que tout ce qui tâentoure dure plus longtemps. Comprends-tu ?
Je hochai honteusement la tĂȘte, envahie par la tristesse.
-Respecte toujours toute vie.
Il me lança un regard insistant.
-Oui, PÚre. Je suis désolée, PÚre.
Quand il sembla satisfait de ma sincérité, il leva les yeux.
-Bien.
(Music : Mako Reactor 1 - Battle Edit de FFVII Remake)
Ma jambe sautille sur place, sur la pointe des pieds. Je regarde, impuissante, tout se dĂ©rouler, le cĆur en suspens, les doigts croisĂ©s devant ma bouche. Je nâai quâune mince fenĂȘtre pour regarder ce quâil se passe dehors - une interstice quâon mâa autorisĂ©e en bas de la fenĂȘtre prĂšs de mon lit. Dehors, le combat sur le flanc direction Corel fait rage.
-LĂ , vers le centre ! jâentends Tifa depuis lâoreillette de Vincent posĂ©e sur la table de chevet sur laquelle sont appuyĂ©s mes coudes.
Le bruit est assourdissant. Le vaisseau fait pleuvoir des balles et des missiles qui font trembler toute les premiĂšres habitations de la ville.
-Sur la gauche ! lance Cloud.
Les grangalans, qui ressemblent Ă des Ćufs gĂ©ants, et les baisers dâĂ©pingles Ă des oiseaux au long bec, passant entre les mailles de la ligne de tir se font intercepter par les sorts de Cloud et Tifa sur le rempart.
-Tenez-les Ă distance, on recharge ! informe Cid.
Je mords ma lĂšvre, frustrĂ©e au possible. Je cligne Ă peine des yeux. ElfĂ© garde la villa devant la porte alors que Vincent est assis sur le lit en face de moi, Ă regarder aussi dans lâinterstice, sa main droite retenant le vieux rideau blanc en dentelles distraitement.
Si je nâĂ©tais pas malade, jâaurais pu ĂȘtre dehors Ă les aider. Si Vincent nâĂ©tait pas handicapĂ© par moi, il serait aussi en train de faire un carnage dehors. Peut-ĂȘtre mĂȘme quâil les tiendrait Ă lui seul. Ă cause de moi...Gold Saucer ne peut compter que sur Reeve, ses automates, Yuffie et un systĂšme de dĂ©fense expĂ©rimental.
Je regarde son Ănergie. Stable mais faible depuis que je prĂ©tends en avoir moins besoin.
-Tu devrais y aller.
Nous Ă©changeons un regard inquiet.
-...Nous en avons dĂ©jĂ discutĂ©. Je ne te quitte plus des yeux. Que tu soignes Felicia et en tombes malade Ă©tait peut-ĂȘtre dans ses plans. Elle nâattend quâune occasion..., poursuit-il avec difficultĂ©, et câest sĂ»rement celle-lĂ .
-Mais ils ont -
-La discussion est close, mâinterrompt-il fermement, haussant la voix. Rappelle-moi ce qui est arrivĂ© les autres fois oĂč je tâai laissĂ©e ?
Je prends un air interdit.
-Ce nâest pas de ta faute ! Câest moi qui ai cru bien faire ! Tout a toujours Ă©tĂ© de ma faute et je nâai jamais prĂ©tendu le contraire ! Si jâĂ©tais plus forte, irrĂ©prochable, tout serait diffĂ©rent !
Il fronce les sourcils, mâobservant intensĂ©ment.
-...Angie. Nous te lâavons dĂ©jĂ dit. Il est impossible de tout prĂ©venir. Tu as de bonnes intentions, tu manques seulement cruellement de jugement.
Nos regards se confrontent, mais je ne peux en toute conscience réfuter cela.
-Je sais ce que tu ressens, mais tu nâes pas en Ă©tat. La meilleure chose que tu puisses faire est de rester sauve jusquâĂ ton rĂ©tablissement. Câest en restant en vie que tu fructifieras leurs efforts.
-...Tu te trompes. Quâen est-il de toi ? Ă cause de qui nâes-tu pas en Ă©tat ? En quoi tes efforts ont-ils Ă©tĂ© rĂ©compensĂ©s jusquâĂ maintenant ? jâargumente sombrement.
Il reste calme et posé.
-Par mon choix. Angie, reprend-il plus doucement, ses yeux rouge sombre plantĂ©s dans les miens. Tu es encore en vie. Câest ce qui compte.
-Parce que tu ne comptes pas ? je mâĂ©crie. MĂȘme si tu ne peux pas user de magie, tu peux au moins utiliser le CerbĂšre ! ...Je pourrais mĂȘme servir de diversion !
Ses cils tressaillent, ses traits se durcissent. Il laisse le rideau tomber et se lÚve, jambes contre mon lit à cÎté de moi, les yeux fixes.
-Allonge-toi.
-Comment ? je mâexclame, furibonde.
-Je descends, certains sâapprochent du rempart, dit Cloud lĂ©gĂšrement essoufflĂ©.
-Rallonge-toi, ordonne-t-il.
-Je descends avec toi, sâexclame Tifa.
Je jette un Ćil Ă lâoreillette.
-Je ne peux dĂ©jĂ pas me battre Ă vos cĂŽtĂ©s quâen plus je dois me dorloter les pieds en Ă©ventail dans mon lit ?! je tonne en vrillant mes yeux sur lui. Câest une blague jâespĂšre !
-Angie, il faut que -
Il prend mon bras. Je le repousse immédiatement. Mais pour changer, je suis faible et sans conséquence.
-Tu agis toujours comme si jâĂ©tais la solution mais tu te trompes ! Pourquoi es-tu si biaisĂ© ! MĂȘme si je ne peux plus me battre je pourrais au moins servir dâappĂąt ! Avoir lâavantage de la prĂ©mĂ©ditation pour une fois !
Si je devais attribuer un air choqué au visage toujours stoïque de Vincent, ce serait maintenant.
-Et te faire tuer ?
-Au moins je mourrais honorablement en faisant ce que je suis censĂ©e faire ! Je pourrais enfin ĂȘtre utile.
Il retient son souffle, les yeux agrandis dâĂ©tonnement. Il prend mes jambes sous mes genoux et me tire pour mâallonger sur le lit. Je mâempresse de replacer la chemise qui sâest retrouvĂ©e soulevĂ©e au passage. Je lui lance un regard interdit.
-Vincent ! je lance, énervée au possible.
Il pose un genou sur le rebord et prend mon bras pour me maintenir facilement au matelas, poignet sur la poitrine.
-Reste c-
En le voyant au-dessus de moi, la peur envahit tout mon ĂȘtre, me faisant relĂącher une exclamation : je ferme les yeux un instant, lĂšve un bras et me braque. Ma peau ressent dĂ©jĂ les prĂ©mices dâune douleur, dâune pression contre mon visage.
Son visage change, et se fige, mâobservant fixement...Il relĂąche doucement mon bras. Et sâassoit lentement sur la chaise Ă mon chevet sous la fenĂȘtre, le regard fixe et interdit.
-...Je suis dĂ©solĂ©. Je ne voulais pas tâeffrayer. Je nâallais pas te faire de mal, assure-t-il soudain trĂšs coupable, la voix serrĂ©e. Tu trembles depuis tout Ă lâheure. Tu Ă©tais trĂšs Ă©nervĂ©e. Tu ne devrais pas dans ton Ă©tat.
Je remarque pour la premiĂšre fois mon Ă©tat fĂ©brile, le froid insidieux dans tous mes membres. La peur, la panique pour eux dehors. Mon impuissance. Il dĂ©tourne les yeux, lâair de vouloir ĂȘtre partout sauf ici. Jâessaie de calmer ma respiration.
-...Je voulais juste te dire que si tu nâes pas capable dâobserver le combat, la stratĂ©gie et les faiblesses de lâennemi calmement, alors tu ne peux rien faire dâautre, lĂąche-t-il entre ses mĂąchoires serrĂ©es. Mais je mây suis mal pris. JâĂ©tais contrariĂ©. Pardonne-moi.
Les murs tremblent. Les coups pleuvent. Des ordres Ă©loignĂ©s sont criĂ©s. Et nous sommes ici, comme dans une bulle seulement remplie de silence et dâincomprĂ©hension.
-Câest moi qui suis dĂ©solĂ©e. Je ne me suis pas imaginĂ© que tu allais me faire du mal...
Je peine à lui expliquer, lui retirer sa culpabilité sans me trahir.
-Tu as raison. JâĂ©tais Ă©nervĂ©e. Tu voulais sĂ»rement...Ă©viter une tĂ©lĂ©portation.
Il retourne Ă lâobservation du combat, lâair tendu et peu fier de lui.
-Câest moi. Prends le temps de te calmer. Je ne tâapprocherai pas. Veux-tu voir Felicia ?
-Non ! Non...ça ira.
Je me relĂšve fĂ©brilement quand je me sens plus ou moins maĂźtre de mon corps. Je tente une main sur sa greffe. Il ne glisse quâun regard discret et ne rĂ©ciproque pas, restant immobile, mais je suis sĂ»re quâil mâobservait du coin de lâĆil tout ce temps. Je pince mes lĂšvres, soupirant par le nez. Je lâai blessĂ©.
Je me penche pour observer Ă nouveau depuis le bas de la fenĂȘtre. Il me laisse faire pendant que nous plongeons dans le silence.
Soudain, un faisceau de lumiĂšre aveuglant traverse le champ de bataille, autrefois une grande plaine verdoyante, pareil Ă une Ă©toile filante. Vincent se retrouve obligĂ© de fermer les yeux, mais jâavale la scĂšne yeux grands ouverts, comme on regarderait le soleil pour la premiĂšre fois. Lâattaque est aveuglĂ©ment turquoise.
LâĂ©toile Ă©clate, comme des milliers de dards partant en tous sens, lorsquâelle atterrit sur la zone ennemie dans un bruit de scission, la terre tremblant comme aprĂšs lâimpact dâune bombe. La puissance de lâattaque souffle jusquâaux remparts, laissant comme une poussiĂšre dâĂ©toile luminescente voleter dans les airs. LâĂnergie me fit comme un bol dâair frais.
-CâĂ©tait quoi ça ? sâexclame Cid.
Des volutes de Lifestream noir, empreints de Geostigma, sâĂ©vaporent dans les airs plus rapidement que la fumĂ©e aprĂšs la bataille. Le silence est maĂźtre alors que les lignes ennemies sont complĂštement dĂ©sertes. AnĂ©anties. Jâen ai les lĂšvres entrouvertes de choc et dâadmiration.
-DĂźtes-moi que ce nâĂ©tait pas Angie ? sâempresse de questionner Tifa.
Les petits accrocs de lumiĂšre turquoises commencent tout juste Ă disparaĂźtre telles des cendres volatiles. Vincent sâempare de lâoreillette, sĂ©parant nos mains et rĂ©pond diligemment :
-Non, elle est avec moi. RAS de notre cĂŽtĂ©. Il sâagit sans conteste de lâautre Cetra - dĂ©pĂȘchez-vous de tracer la ligne de mire pour le retrouver, presse-t-il.
-Déjà sur le coup, réplique Cloud. Capuche et cape noires, cÎté nord de la ville. Cid !
Le bruit du vaisseau nous indique son déplacement.
-En douceur les gens, on ne veut pas avoir lâair agressif et lui faire croire quâil est en danger, rappelle Tifa.
-Mince, il est vif - je lâai perdu de vue ! Par-lĂ Cid !
Je dĂ©glutis. La course-poursuite dure plusieurs minutes. Mon cĆur bat la chamade, pendu aux Ă©vĂšnements. Je nâose pas retoucher Vincent, qui a lâair concentrĂ© et impatient, la main collĂ©e Ă son oreille, les sourcils froncĂ©s. Il ne mâaccorde pas une seconde dâattention. MalgrĂ© le maigre demi-mĂštre entre nos visages, nos jambes presque croisĂ©es, jamais il ne mâa paru si loin.
Finalement, lâinconnu laisse derriĂšre lui une cape vide aprĂšs avoir Ă©chappĂ© Cloud Ă un carrefour. Vincent lĂąche un souffle bref et se lĂšve prestement. « Felicia, » appelle-t-il Ă voix haute.
Il quitte la chambre Ă grandes enjambĂ©es sans mĂȘme mâaccorder un dernier regard, comme ayant besoin dâen avoir le cĆur net par lui-mĂȘme. Ils ont peut-ĂȘtre enfin trouvĂ© leur sauveur, preuve Ă lâappui. Parce quâentre Vincent et moi, une magie sâest dĂ©finitivement envolĂ©e.
(Music : All the things she said de t.A.T.u version Seraphine)
Au bout du troisiĂšme jour aprĂšs la derniĂšre discussion avec ElfĂ©, il y a eu trĂšs peu dâamĂ©lioration. Une fatigue et un dĂ©goĂ»t profond Ă la nourriture allant croissant (mĂȘme si je ne vomis presque plus et que je me maintiens avec ma manie de la propretĂ©). Je me retrouve cruellement mise Ă pied par lâĂ©puisement de Vincent.
Je dĂ©cide que ne peux pas continuer Ă le faire souffrir plus longtemps. Je suis Ă bout. Comme son humeur. Et son Ănergie aussi. Nous ne nous parlons plus. Nous ne risquons mĂȘme plus un regard. Jâai tenu autant que je le pouvais. Les libĂ©rer de leur responsabilitĂ© est la meilleure chose que je puisse faire. Il est Ă©vident que Vincent se force Ă la tĂąche, pour quelquâun quâil ne peut mĂȘme pas supporter.
JâĂ©cris alors des lettres, avec toujours lâintention de rester digne jusquâĂ la derniĂšre seconde. Pour eux. Mais dĂšs que jâen ai le courageâŠde libĂ©rer Vincent, pour quâil puisse user de ses forces pour une cause qui nâest pas perdue. Quelquâun qui lâĂ©coute, et qui ne sâest pas perdu de lui-mĂȘme.
-Quâest-ce que câest ?
Je lÚve la liasse, avant de la ranger soigneusement dans la table de chevet à cÎté de moi.
-Des lettres. Promets-moi de les donner Ă tout le mondeâŠsâil mâarrive quoi que ce soit.
Savoir que Vincent dort depuis bientĂŽt plusieurs heures mâa donnĂ© une raison nĂ©cessaire dâenfin en parler Ă ElfĂ©, et de prendre un pas de plus vers cette dĂ©cision. Elle me regarde de façon interdite, ralentie dans tous ses mouvements aprĂšs avoir posĂ© le pichet dâeau.
Je reste allongĂ©e, plongĂ©e dans les oreillers, effritĂ©e par mes pensĂ©es. Je dois me faire une raison. Je nâose mĂȘme plus me regarder dans le miroir. Ma peau pĂąle, mes veines noires. Je ne me suis jamais autant dĂ©testĂ©eâŠpour ce que jâai fait Ă Vincent, Ă tout le monde.
-Je nâai pas parlĂ© de mes sentiments pour lui, quels quâils soient, dans sa lettreâŠJe ne veux pas lui infliger ça en plus. Alors promets-moi de ne rien dire, sâil te plaĂźt.
Je la regarde.
-Jamais, jâordonne fermement.
Elle mâobserve, lâair clairement prise de court et dĂ©semparĂ©e.
-Alors tout çaâŠla promesse que tu mâas faite dâessayer, tout ça nâĂ©tait que de belles paroles ?
-Non ! Une promesse est une promesse ! Mais -
Quâil me parle, quâil mâen veuille, quâil mâaime ou non, tout cela nâa plus aucune importance, je ne suis pas assez Ă©goĂŻste pour continuer inlassablement Ă son dĂ©triment. Jâai par ailleurs dĂ©jĂ prouvĂ© plusieurs fois que je ne mĂ©ritais pas dâĂȘtre lĂ . Je ne mĂ©rite pas ma chance, toutes ces personnes autour de moi. Je ne mĂ©rite pas son sacrifice.
-Tu as montré des progrÚs Angie -
-Je suis fatiguée !
-Attends les derniers rĂ©sultats de Shera, je tâen prie ! Il faut que tu y croies ! Ne sois pas si dĂ©faitiste, il y a eu des signes positifs ! Tu ne peux pas abandonner si facilement !
-Bon sang mais quâest-ce que tu tâimagines ! Que ça me fait plaisir ! Je ne veux pas abandonner ! Je vais essayer jusquâau bout, mais Vincent est en train de mourir ElfĂ© ! Vous avez trouvĂ© quelquâun dâautre alors sâil te plaĂźt ne me force pas Ă regarder ça plus longtemps !
Vincent a toujours mis tous ses efforts Ă mettre des barriĂšres entre nous. Combien de fois jâai secrĂštement souhaitĂ© les franchir juste pour troubler son visage trop bien composĂ©. Mais le temps des erreurs et des possibilitĂ©s est fini. Je suis finie.
La derniĂšre fois...jâai eu ma rĂ©ponse. De toute Ă©vidence je ne saurai mĂȘme pas bien gĂ©rer les blessures de Vincent. Ma simple prĂ©sence ne fait mĂȘme que les rouvrir. Je me suis imaginĂ©e un fossĂ© entre nous tout ce temps...mais de toute Ă©vidence, câest moi le seul problĂšme.
-Que se passe-t-il ?
La voix grave et rocailleuse de Vincent tranche lâair comme une lame de katana. MĂȘme sâil se tient moins droit, sa silhouette remplit toujours de façon impressionnante lâencadrement de la porte. Mon cĆur se serre lorsque je remarque quâil se tient distraitement Ă la poignĂ©e, nous fusillant tour Ă tour du regard.
Sa peau est aussi pĂąle que la mienne. Ses veines bleues et ses vaisseaux rouges presque apparents aussi alors que sa nĂ©buleuse tourbillonne extrĂȘmement lentement, cette Ă©toile au centre de sa poitrine Ă©tant la seule chose tangible depuis le dĂ©but de cette histoire. Pourfendant mon Ăąme. MĂȘme son odeur a changĂ©.
PaniquĂ©e, je me dĂ©pĂȘche de fermer la table de chevet alors que nous lâobservons, mises au silence par sa colĂšre froide. Il remarque le mouvement, mâinterroge du regard, et ne recevant aucune rĂ©ponse, observe la piĂšce et nos expressions jusquâĂ poser ses yeux dangereux sur ElfĂ©.
-Felicia, Angelina est convalescente. Je te prierai de ne pas lâagiter, ou tu nâes plus la bienvenue ici. Ce sera la derniĂšre fois.
Son ton est cinglant et impĂ©rieux. Elle dĂ©glutit. Il incline la tĂȘte pour lui demander sâil sâĂ©tait bien fait comprendre.
Mais pour la premiĂšre fois, elle ne lui courbe pas lâĂ©chine. Et avec le respect quâelle lui a toujours montrĂ©, comme Ă son pĂšre :
-Bien sûr. Si Angie se décide enfin à parler.
Je lui envoie un regard de panique, un sentiment de trahison montant dans ma poitrine. Vincent montre son interrogation.
-Je nâen peux plus de vous voir vous dĂ©chirer et vous sacrifier lâun pour lâautre. Ce nâest pas la solution - la seule solution serait que vous parliez enfin, et que nous soyons tous enfin du mĂȘme cĂŽtĂ©, Ă se soutenir ensemble ! Retrouver lâautre Cetra ou non ne change rien Ă lâissue quâon veut !
Puis elle secoue la tĂȘte pendant que mon cĆur atteint des records en terme de panique.
-Si vous saviez combien jâaimerais revenir en arriĂšre etâŠque tout ceci ne soit jamais arrivĂ©. Avoir pĂ©ri avant son arrivĂ©e. ParfoisâŠmoi aussi je me demande pour quelle raison nous continuons. AngieâŠnâĂ©tait pas quâun espoir fugace quâon mâa agitĂ© sous le nez.
Des larmes coulent Ă flots sur ses joues.
-Vous nâavez pas envie dâabandonner, ni dâĂȘtre sĂ©parĂ©s. Nous avons tous envie que ça fonctionne. Il y a encore de lâespoir, pour tout le monde. AlorsâŠ
Je hoche la tĂȘte nĂ©gativement, soupirant. Elle me foudroie du regard, comme trahie. Puis elle lui lance un regard intransigeant, le sommant dâagir aussi bien et hargneusement quâelle serait en plein combat, sa lame sous sa gorge. Nây tenant plus, elle quitte la piĂšce.
Vincent mâinterroge du regard, le sommeil tiraillant encore visiblement ses paupiĂšres. Je dĂ©tourne vivement les yeux, vers le bas, honteuse. Il me toise. Comme toujours, nous restons plongĂ©s dans ce silence devenu trop rĂ©current.
(Music : Time in a Bottle de Jim Croce)
Je sens une chaleur sur le coin de mon front, comme un rayon de soleil sâĂ©garant doucement lĂ . Câest doux, tel lâatterrissage dâun papillon. Je souris, empreinte de sommeil, apaisĂ©e. Ă mon chagrin, le rayon se dĂ©place. Je me sens replonger.
Puis je suis complĂštement rĂ©veillĂ©e par le bruissement dâun papier, me faisant brusquement ouvrir les yeux aprĂšs une seconde de rĂ©alisation. Je dĂ©couvre Vincent assis sur lâautre lit en train de lire, la table de chevet grande ouverte.
-Vincent, quâest-ce que tu fais !
Je panique vraiment. Mais je suis trop faible ne serait-ce que pour me lever. Mon bras sâĂ©tend mais en vain.
-Ah je vous jure, tu es toujours tellement - Sâil te plaĂźt, remets-le !
Je prie intĂ©rieurement, avec une rancune subite, le visage froissĂ©, pour quâil nâait pas pu trop lire. Je constate que toutes les lettres sont sorties. Mais au moins seule la sienne, la plus Ă©paisse, est entre ses mains, mon Ă©criture italique apparaissant clairement Ă la lumiĂšre chaude du soleil entrant dans la piĂšce.
Son visage est froid, fermĂ©, lisse comme une statue de cire, les traits toujours extrĂȘmement tirĂ©s par son manque constant d'Ănergie. Les rayons blancs chauds entourent sa silhouette telle la crĂ©ature irrĂ©elle quâil est sans pour autant le rendre plus chaleureux.
-...PourquoiâŠ, traĂźne sa voix grave devenue sourde.
Ses yeux ténus se lÚvent de leur lecture.
-Ne mâest-elle pas destinĂ©e.
Un long silence nous enserre, mon cĆur faible battant, jusquâĂ ce que je parvienne enfin Ă plus ou moins mâasseoir, Ă©puisĂ©e de cette simple action, la respiration rapide. Il a lâair plus impitoyable que jamais, son aura sombre suffisant Ă amener le manteau de nuit, si cela ne tenait quâĂ lui.
-Ce nâĂ©tait pas pour maintenant, jâexplique posĂ©ment mais fermement. CâĂ©tait seulement...au cas oĂč !
-Au cas oĂč ? rĂ©pĂšte-t-il froidement.
Si glacial. Je sais pourtant Ă son contact, Ă lâapparence de cette nĂ©buleuse, quâil nây a pas plus brĂ»lant que Vincent : son masque, son attitude, sont aux antipodes de sa flamme. Une fois dans le feu du combat, une fois rĂ©ellement Ă©nervĂ© et poussĂ© Ă bout, comme aprĂšs Chaos, il ne reste que cendres et braises. Vincent est une fournaise punitive dont il est impossible de rĂ©chapper.
-Je croyais que tu nâabandonnais jamais, dit-il presque accusateur.
-CorrectionâŠun Anderson nâabandonne jamais. Et jâai dĂ©cidĂ© que cette rĂšgle ne sâappliquait que jusquâĂ ce que quelquâun soit blessĂ©.
Et jâai dĂ©cidĂ© que câĂ©tait la chose que je devais retenir de mon passĂ©. Je prends une inspiration, trouvant enfin le courage de lever les yeux.
-Jâapprends de mes erreurs.
Ses doigts tressaillent sur les feuilles dâun blanc cassĂ©, manquant de les froisser, les lĂšvres pincĂ©esâŠmais la seconde dâaprĂšs, le regard fixe, ses doigts reprennent une position parfaitement immobile, et son visage se dĂ©tend. Comme le reste de sa personne. Tout est contenu, savamment maĂźtrisĂ©. Lisse Ă lâextĂ©rieur.
Comme un tableau, une Ćuvre dâart. Tout est magnifiquement arrangĂ©, composĂ©.
MĂȘme lorsquâil ramasse la lettre et range le tout soigneusement dans la table de chevet, ne gardant que la sienne dans sa poche, son visage reste dur et fermĂ©, ses mouvements fluides. Seule sa respiration a lâair Ă©tonnamment difficile.
Il se lĂšve lentement.
-...Quand bien mĂȘme, et ce serait tout Ă ton honneur, tu es trop jeune pour mourir, lĂąche-t-il comme si câĂ©tait lâĂ©vidence mĂȘme.
Il prend la direction de la sortie.
-Je suis trop jeune pour beaucoup de choses. Selon toi.
Il se fige.
-Mais comme tu le sais, le destin sâen fiche royalement.
Je lĂšve les yeux, me sentant retrouver de cette dĂ©termination que jâavais perdue au fil des jours. Il se retourne.
-Il nây a pas dâĂąge pour mourir, Vincent. Voir cette petite fille entourĂ©e de sa famille sur la plaine menant Ă Junon me lâa bien rappelĂ©. Tu te souviens ?
Il relùche une respiration fébrile, sa greffe tressaillant.
-Je refuse -
-Je refuse de te laisser mourir, je lui annonce la mĂȘme chose.
-Tu nâas pas le droit de mourir, dĂ©clare-t-il avec autant de fermetĂ©. As-tu rĂ©flĂ©chi Ă comment nous allions sauver GaĂŻa sans toi, ou comme toujours tu ne rĂ©flĂ©chis quâĂ toi, ce que tu veux, ce que tu penses et au prĂ©sent ?
Cela mâatteint plus profondĂ©ment que je ne lâadmettrai jamais, mĂȘme si je le mĂ©rite.
-Tu mâas promis de ne pas te sacrifier -
-Et toi de ne pas te mettre en danger, mais nous y voici ! tonne-t-il.
Son torse se soulĂšve avec sa respiration, prenant de lâamplitude. Je dĂ©glutis, intimidĂ©e mais me force Ă soutenir son regard tempĂ©tueux.
-Lâheure nâest pas Ă tes caprices, Angelina. Il est trop tĂŽt pour admettre la dĂ©faite.
-Au contraire, je crois quâil est plus que temps. Ce nâĂ©tait pas sujet Ă discussion, je lĂąche finalement, le cĆur battant de stress. Jamais je ne sacrifierai ta vie. As-tu rĂ©flĂ©chi Ă comment jâallais sauver GaĂŻa sans toi, ton Ănergie, comment nous allions tous faire sans toi, ou comme toujours tu n'as rĂ©flĂ©chi qu'aux impĂ©ratifs en faisant fi de ta personne ?
Ses mĂąchoires se serrent, sa greffe accrochant une seconde la lumiĂšre alors quâil ferme ses poings un doigt aprĂšs lâautre avec force. Une colĂšre noire semble prendre possession de tout son ĂȘtre.
-Tu condamnerais la planĂšte entiĂšre pour -
-Ătre comme vous ? Prendre une dĂ©cision et faire des erreurs ? Je ne sais pas, mais te sauver, oui ! Je sais que câest la chose Ă faire ! Nous nâavons rien de diffĂ©rent ! Je ne suis quâune Cetra de pacotille parmi tant dâautres ! Je ne maĂźtrise mĂȘme pas mes pouvoirs !
Le cri désespéré du garçon vibre à mes oreilles. Les éclats de glace accrochent et renvoie la lumiÚre comme des faisceaux rigides, autant de rais de lumiÚre éclatés, tournoyant dans les airs. Blanc comme ma fausse innocence, rapidement teintée de rouge.
-Nous parlions de faire de notre mieux. CâĂ©tait le mieux que je puisse faire et jâai Ă©chouĂ©. Câest un fait. Vous, ĂȘtes tout Ă fait capables. Plus indispensables quâune incapable comme moi et un Cetra qui nâose pas se montrer ! Vous vous en sortiez trĂšs bien sans moi -
Il lùche un souffle désabusé, vrillant les yeux ailleurs un instant, excédé.
-...Angelina. Nous aurions fini par perdre. Nous ne faisions que parer au plus pressé et parquer les survivants dans les villes les uns sur les autres comme du bétail. Il y a beaucoup de choses que tu ignores.
-Lesquelles ? je mâexclame.
-Cette solution de repli ne peut durer. Il nous faut reprendre du terrain. La nourriture qui Ă©tait jusque-lĂ conservĂ©e a rapidement Ă©tĂ© consommĂ©e sans rĂ©gulation par la population. Comme un enfant, elle a besoin dâĂȘtre encadrĂ©e. BientĂŽt, sans solution durable, la nourriture et lâĂ©nergie viendront Ă manquer. Quand le dĂ©sespoir prendra le pas sur la peur, plus personne nâĂ©coutera Avalanche.
Je cligne des yeux, réfléchissant à ce fait.
-Tu es la seule Ă ce jour, de notre cĂŽtĂ©, qui Ă dĂ©faut dâĂȘtre immune Ă Geostigma, peut faire retrouver Ă la planĂšte son Ă©tat originel. Sâentasser derriĂšre des remparts sans pouvoir lancer lâoffensive et renverser la situation nâa aucun sens. Ătaler le territoire pour replanter et renouveler lâĂ©nergie durablement en font partie.
Je prends une inspiration pour continuer Ă me donner du courage alors quâil fulmine silencieusement. Me foudroyant du regard comme sâil pouvait me sommer par sa seule force de changer d'avis.
-Je comprends la situation. Mais je ne peux plus rien pour vous. Mon Ă©tat sâempire. Je ne suis en vie que grĂące Ă toi. Par ma faute, ni toi ni moi ne vivons rĂ©ellement Ă pleine capacitĂ©. Il est temps de regarder les choses en face.
Il affiche un air interdit.
-...Tu -...
Il a lâair incapable de continuer. Son poing tremble, retenant son souffle. Et je ne sais sâil tremble de rage ou dâincrĂ©dulitĂ©. Voir ce visage me fend plus en deux que toutes les paroles blessantes quâil aurait pu me dire. Une larme glisse sur ma joue, serrant les draps sur mes genoux.
-Compétences mises à part...je ne permettrai pas que tu souffres plus longtemps par ma faute, en particulier au péril de ta vie.
-Angie, appelle-t-il Ă la raison en sâavançant dâun pas.
Il essaie de poser sa main sur mon Ă©paule. Je lâĂ©vade.
-Retrouve lâautre Cetra. Reporte ton attention sur lui. Il est sĂ»rement plus compĂ©tent que moi. Je ne peux plus rien pour toi, je souffle la gorge serrĂ©e et les yeux pleins de larmes.
Je finis par les baisser, trop embarrassĂ©e. Dâailleurs, il vaudrait mieux pour eux que je ne fasse plus rien.
-An -
Il lĂšve la main en direction de mes cheveux. Je repousse brusquement son poignet.
-Non ! Ma dĂ©cision est prise ! Et rien de ce que tu diras ne me fera changer dâavis !
Il y a quelques jours, jâaurais donnĂ© nâimporte quoi pour ce geste.
Il reste figĂ©, sa main humaine en suspens, ses pupilles regardant mes yeux tour Ă tour. Jâessaie de les Ă©vader, la culpabilitĂ© me faisant mâeffondrer comme un chĂąteau de sable. Il a lâair vĂ©ritablement dĂ©semparĂ© pour la premiĂšre fois devant moi.
Je prends une inspiration ardue, comme on avalerait un verre de poison frigorifiant cul sec pour poursuivre :
-Tu ne peux pas me forcer Ă prendre ton Ănergie, et mâen laisser durant mon sommeil par un simple contact ne sera pas suffisant, nous le savons. Jâai dĂ©jĂ gagnĂ©, je dĂ©clare, comme on annonce un Ă©chec et mat irrĂ©versible.
Il rabaisse sa main. Je baisse les yeux quand je sens enfin la tempĂȘte passĂ©e. Je ne vois pas son expression, mais il reste figĂ© un moment. Son torse bouge Ă peine avec sa respiration.
-âŠDans ce cas nous verrons lequel de nous deux est plus immuable.
Avant de frapper la porte au point quâelle se dĂ©visse et tombe complĂštement dĂ©mise, la partie en bois tenant la poignĂ©e disparue. Je reste un moment figĂ©e, dĂ©contenancĂ©e par sa rĂ©action Ă©tant donnĂ© son extĂ©rieur composĂ© toujours aussi trompeur. Et je ne sais si câest sa rĂ©action ou ma dĂ©cision qui me choque plusâŠMa trahison Ă voix haute.
...Encore du boulot supplémentaire pour Elfé en tout cas.
(Music : Carry you de Ruelle & Fleurie)
ElfĂ©, avec ses magnifiques yeux verts, se dĂ©cide enfin Ă me parler maintenant quâelle a fini de tout rĂ©parer comme une chef. Elle est clairement dĂ©brouillarde, avec des notions en armes, de stratĂ©gie, de construction et de mĂ©canisme çà et lĂ . Des choses quâon se voit apprendre un jour ou lâautre quand on est Ă la tĂȘte dâAVALANCHE jâimagine. Une vraie femme que jâaurais eu envie d'ĂȘtre.
-CâĂ©tait une dispute assez virulente que vous avez eue lĂ .
Merci, Captain Obvious. Je fais mine de nâen avoir rien Ă faire, haussant les sourcils pour appuyer ses dires. Elle soupire en mâobservant.
-Tu nâas toujours pas touchĂ© Ă ton assiette.
JâĂ©vade ses yeux.
-Je nâai rien renvoyĂ© depuis que jâai arrĂȘtĂ© de manger. Je me sens propre et jâai envie que cela continue.
Et mourir dignement. Se brosser les dents quinze fois par jour a ses limites.
-Vincent veut que je te fasse changer dâavisâŠmais je sais combien tu peux ĂȘtre butĂ©e. HonnĂȘtement, je crois quâil est le seul Ă pouvoir te tenir tĂȘte.
Je fronce les sourcils et me tourne de lâautre cĂŽtĂ©. Merci pour ça, je pense sarcastiquement.
-Et tu as raison. Ma dĂ©cision est prise. Je sais que personne ne peut le voir, mais lâĂnergie de Vincent est en train de disparaĂźtre au point oĂč il nâa plus le temps de la renouveler. Il risque de bientĂŽt mourir. Et sais-tu ce quâil risque dâarriver Ă ce moment-lĂ ?
Elle secoue la tĂȘte en posant les mains sur ses hanches.
-En plus de mourir ? Non, dis-moi, fait-elle un brin sarcastique.
-Les monstres qui lâhabitent Ă cause de ses expĂ©riences seront libĂ©rĂ©s et personne nâa la moindre idĂ©e de ce quâil risque dâarriver Ă ce moment-lĂ âŠil se peut que les monstres prennent totalement le contrĂŽle de son corps, et ravagent tout sans plus personne pour contrĂŽler leur fureur. Ă jamais.
Parce que jâai fini par comprendre ce quâest ce goĂ»t violent de rage, de sang et vengeance dans son Ănergie. Cette Ănergie sombre capable dâapporter la mort et dâannihiler toute menace jusquâĂ ce quâelle soit totalement rĂ©duite en poussiĂšre.
Cette nĂ©buleuse normalement en pleine furie et effervescence, toujours tenue dâune poigne sĂ©vĂšre et indĂ©fectible par Vincent, son calme et sa patience olympiens depuis cette lumiĂšre au centre de sa poitrine, est en train de faiblir. Il est clairement en train de perdre le contrĂŽle.
Pause. Je ne vois pas son visage, mais jâimagine quâelle rĂ©flĂ©chit.
-Et câest ce que tu crains le plus ? âŠSĂ»rement tu sais que nous ne sommes pas si dĂ©munis chez Avalanche.
-Non. Mais cela vous fera un ennemi, un problĂšme de taille supplĂ©mentaire Ă rĂ©gler, sans oublier que câest sĂ»rement la derniĂšre chose que Vincent souhaiterait voir arriver Ă ses amisâŠVous serez peut-ĂȘtre mĂȘme forcĂ© dâannihiler tout ce quâil reste de lui sans mĂȘme savoir si câĂ©tait la seule chose Ă faire. Vous perdrez votre meilleur combattant, immun Ă Geostigma de surcroĂźt. Est-ce ce que vous souhaitez ?
Jâai eu le temps de rĂ©flĂ©chir Ă tous ces arguments. Jâimagine que je devrais remercier mon pĂšre de mâavoir appris quâon ne vient jamais Ă une bataille, mĂȘme une nĂ©gociation, sans moyen valable. Elle souffle, lâair de rĂ©flĂ©chir un moment, faisant quelques pas dans la piĂšce, avant de finalement dĂ©clarer.
-Si la personne quâil aime est toujours Ă ses cĂŽtĂ©s, il ne risquerait jamais de laisser ça arriver, tu ne penses pas ?
-SĂ»rement. Mais elle nâest plus lĂ . Nous sommes donc Ă court dâappĂąt.
Merci de me rappeler cela aussi. Comme si je nâavais pas dĂ©jĂ assez mal. Cette idiote de premiĂšre. Choisir Hojo ? Quelle idĂ©e. Celle-lĂ aussi mâĂ©nerve.
-Dis-lui ce que tu ressens Angelina. Il tâaime. Vous vous aimez tous les deux. Votre amour crĂšve les yeux.
-ArrĂȘte.Felicia.
Abandonner est plus difficile quâon ne lâimagine, mĂȘme quand on se retrouve seul.
-Je ne peux pas revenir en arriĂšre.
Trop de mal a déjà été fait. à Vincent, aprÚs tous ses efforts. Ce que je lui ai dit...lui retirer sa mission, sa seule chance de se prouver qu'il pouvait faire le bien et arriver à protéger quelqu'un de toutes ses forces.
-Abandonner est la derniĂšre des choses que tu as envie de faire. Je lâai vu. Je le vois Angelina.
-Je sais dĂ©jĂ cela, merci, jâassĂšne froidement.
-Alors concentre-toi lĂ -dessus. Si tu voulais vraiment abandonner, ce serait dĂ©jĂ fait. Tu tiens Ă nous, nâest-ce pas ? Tu veux rester avec lui ?
Je serre les dents.
-ArrĂȘte. Je suis encore lĂ parce que je suis lĂąche !
-Angie je tâinterdis de dire ça ! Peu importe ce que tu penses en ce moment, une part de toi voudra toujours sâen sortir. Câest normal ! Autrement ça signifierait que tu nâas aucun instinct de survie. Mais pour une raison quâon ignore, tu veux absolument te punir pour tes erreurs.
Je fronce les sourcils, serrant mon oreiller, sentant les larmes monter.
-Tu nâiras nulle part comme ça Angie. Il faut que tu restes avec nous, lĂ oĂč on peut faire quelque chose et tâaider. Tu as le droit Ă lâerreur.
Lâespoir brĂ»le autant ma poitrine que mon manque de choix. Comme les yeux de Vincent.
-Je nâai pas le choix, jâavoue dâune voix plus assurĂ©e. Il ne sâagit pas de moi.
-Pourtant en abandonnant, câest le choix que tu fais. Pas seulement pour la planĂšte...mais pour nous aussi.
-Je fais cela pour vous ! je mâexclame. Jâai Ă©chouĂ© bien trop de fois dĂ©jĂ ! Trop de personnes ont assez payĂ© pour mes erreurs !
-Tu nous rends tout sauf un service ! En te laissant Ă ton sort, nous Ă©chouons aussi. Pas seulement parce que tu es une Cetra, mais en tant quâamis. Tu ne peux pas nous enlever ça.
-Vous ĂȘtes idiots ! je siffle entre mes dents, la poitrine serrĂ©e.
-Essaie Angie. Quelques jours. Essaie de lui parler. Une derniĂšre fois. Pour moi.
Je lâentends se rapprocher.
-Sâil te plaĂźt, fais-moi confiance, comme tu me lâas demandĂ©. Tout ira bien, je te le promets.
Jâai peine Ă retenir les soubresauts de mon torse Ă prĂ©sent. Je dĂ©teste cela. Je dĂ©teste tout ce qui se passe. Tout ce que jâĂ©tais, tout ce que je suis, et ce que je ne serai jamais.
-Non.
Et mon verdict est sans appel.
...Je lâentends prendre une inspiration difficile.
-On tâaime, Angie.
Jâentends ses pas. Je sursaute lorsque je sens sa main toucher mon Ă©paule.
-Ne me touche pas !
Je me retourne comme je peux pour me coller au mur.
-Ce nâest rien, regarde, jâai des gants.
Jâai peine Ă calmer ma respiration, les regardant intensĂ©ment pour mâassurer que je ne rĂȘve pas
-Tout ira bien. Allonge-toi.
Elle sâassoit sur la chaise. Je lâĂ©vade Ă contrecĆur lorsquâelle rapproche sa main - elle finit par doucement encercler mon bras. De lâautre, elle passe doucement une main dans mon dos.
-LĂ , tu vois ? Tout va bien. Je brĂ»lerai mĂȘme les gants aprĂšs.
Je maintiens mon humeur de longues minutes. Mais Ă chaque passage, ma rĂ©solution faiblit. Avant que je ne comprenne ce que je ressens, je fonds en larmes le plus silencieusement possible pour ne pas rĂ©veiller Vincent dans le salon. Elle me maintient assise, alors que je mâavachis presque contre le mur, maintenant une expression avenante. Elle nâa mĂȘme pas lâair Ă©tonnĂ©e.
-Ăa va aller, on est lĂ . On va sâen sortir.
Elle rĂ©pĂšte des paroles rassurantes, jusquâĂ ce que la fatigue mâemporte sur mon oreiller. Contrairement Ă ce quâelle dit, une partie de moi espĂšre ne pas avoir Ă mâen relever telle que je suis.
Les voix mâentourent complĂštement, mâaccueillent mĂȘme, dirait-on. Le noir est complet. Je suis enserrĂ©e, enterrĂ©e de tous parts. Il nây a aucun jeu, aucune Ă©chappatoire, aucun leste. Chaque soubresaut pour me dĂ©gager est rencontrĂ© par des cerceaux toujours plus punitifs, comme les anneaux dâun boa.
Je connais la raison de ma prĂ©sence ici. Mon cĆur est noir. Mon Ăąme est rouge. Ici est le seul endroit qui convienne Ă quelquâun comme moi. Le seul endroit oĂč je ne blesserai plus personne.
-Angie.
Laisse-moi.
Le Cetra Ă la capuche noire et son visage pĂąle perce ma vision, sa main sâempare de mon bras et me secoue, mâarrache -
(Music : Mirror Mirror Part II de RWBY)
-Angie !
Je sursaute. Je cligne des yeux pour les ouvrir et les habituer. La lumiĂšre de la lune si forte quâelle est largement suffisante pour Ă©clairer toute la piĂšce Ă mes yeux. Je reconnais la silhouette de Vincent assis sur sa chaise Ă mon chevet. Il a Ă©tendu sa cape sur moi par-dessus les couvertures, qui comme toujours Ă©met une Ă©trange chaleur addictive. Il Ă©loigne sa main de mon visage.
-...Encore un cauchemar ?
Je soupire. Vincent. Je ne pensais vraiment pas quâil accepterait de me reparler si vite aprĂšs tout Ă lâheure. En voyant la porte fermĂ©e, ElfĂ© me revient en tĂȘte. Je me suis endormie aprĂšs lâĂ©pisode de tout Ă lâheure ? Je me sens lourde comme du plomb.
-Combien de temps ai-je dormi ?
-Une aprĂšs-midi seulement, rĂ©pond-il dâun ton neutre et informatif.
-Il faut que tu remercies Elfé pour la porte.
-...Câest fait, il assure sur le mĂȘme ton maussade. Tu as lâair Ă©puisĂ©e. Felicia mâa dit aussi que tu avais refusĂ© de toucher Ă ton assiette. Tu dois manger.
Je refuse de rĂ©pondre ni dâobtempĂ©rer, Ă bout, et me tourne de lâautre cĂŽtĂ©. Sachant que Vincent saura comprendre mon envie dâisolement mieux que personne. Mais Ă mon Ă©tonnement, il reprend la parole :
-...Je suis désolé.
Je prends une grande inspiration par le nez, pour me donner le courage de lui parler et dissiper tous ses doutes. Dire au revoir comme il se doit. Pour quâenfin peut-ĂȘtre je puisse mener Ă bien ma dĂ©cision.
-Pour quelle raison, je te prie ?
-âŠJâai failli Ă le retrouver.
Je soupire, gardant les yeux fermés.
-Ce nâest pas grave. Le principal est de savoir que je nâai pas rĂȘvĂ© et quâil est bien conscient de la situation et prĂȘt Ă aider lorsque nĂ©cessaire. Câest tout ce quâil no - ...vous fallait.
Pause.
-Sâil connaissait ton Ă©tat, il pourrait sĂ»rement y faire quelque chose, glisse-t-il clairement frustrĂ©. Il faudrait trouver un moyen de com -
-Il sait.
Je lâentends sâagiter derriĂšre moi.
-Câest-Ă -dire ?
-Jâai rĂȘvĂ© de lui. Je crois.
-Quand ?
-Plusieurs fois.
Il lùche un souffle de frustration, désabusé.
-Pourquoi ne fait-il donc rien ?
-...Je lâignore Vincent. Peut-ĂȘtre parce que je suis surveillĂ©e sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
-...Tu penses donc que nous devrions te laisser seule ? Ătait-ce ton plan depuis le dĂ©but ?
Il ne cache mĂȘme pas son aversion dans son ton accusateur.
-Est-ce la raison pour laquelle tu essaies de nous antagoniser ? Pourquoi ne pas simplement avoir partagé ton idée ?
-Je nâai aucun plan de ce genre en tĂȘte. Il sait que je suis malade. Je le sens.
-Peut-ĂȘtre devrais-tu simplement dĂ©clarer ta prĂ©sence ? Sâil est Ă ta recherche -
-Non.
Je sens sa main agripper sa cape sur le matelas, dans mon dos. « Angie. » dit-il seulement. Et sa voix est tellement grave, tellement tĂ©nueâŠelle vibre, tombante et caverneuse et on ne distingue les syllabes les unes des autres que grĂące Ă sa diction.
Jâaime le fait quâil mâappelle Angie. Je ne lui ai jamais dit ce que jâen pensais, ou combien câĂ©tait important pour moi, que je mâimaginais souvent des amis imaginaires, dans mes rĂȘves Ă©veillĂ©s ou non, mâentourant, un bras autour de mon Ă©paule, me surnommer ainsi.
Et il le fait trĂšs naturellement. Il glisse de ses lĂšvres, comme sâil Ă©chappait Ă son attention. Câest ce qui me fait dire que câest sincĂšre, parce quâalors aprĂšs, en gĂ©nĂ©ral, il revient Ă mon prĂ©nom entier, comme un rappel Ă lâordre.
-Tu as une solution toute trouvĂ©e qui ne mâinclue pas, et tu refuses tout de mĂȘme cette chance ? Je ne te comprends pas, sâimpatiente-t-il. Je...ne te reconnais plus.
Ses mots percent ma poitrine. La piĂšce semble vibrer. Se refermer sur moi. Mais je sais que ce nâest que moi.
(Music : Zero Eclipse de Hiroyuki Sawano)
-La Angie que je connais -
-Nâexiste pas ! je mâĂ©crie en me retournant.
Je le fixe des yeux. Il sâarrĂȘte.
-La Angie que tu as connue nâa peut-ĂȘtre mĂȘme jamais existĂ© ! Elle nâĂ©tait quâune illusion ! Quelquâun que je me suis inventĂ©e pour donner un sens Ă ma vie et tout ce qui mâarrivait ! Je le sais maintenant ! Je le sais quâil nây a rien Ă aimer chez moi ! Je ne suis pas une hĂ©roĂŻne, je ne suis pas capable, je ne suis pas forte, belle, ou intelligente - je ne suis mĂȘme pas quelquâun de bien, je ne suis rien ! Je suis juste pathĂ©tique !
Il mâobserve, interdit. Je ravale mes larmes, me pointant du doigt.
-Tu es une personne si fonciĂšrement bonne que les dĂ©mons qui tâhabitent ne peuvent rien contre toi, mais mes dĂ©mons Ă moi...portent mon visage.
Il fronce les sourcils, penchant lĂ©gĂšrement la tĂȘte pour montrer sa confusion la plus complĂšte.
-Je ne suis bonne quâĂ faire payer les autres pour mes fautes !
Il hoche la tĂȘte nĂ©gativement.
-Jâai fait un rĂȘve...
Je secoue la tĂȘte, la respiration difficile et sans rythme concret.
-Non...Plus quâun rĂȘve. Je sais que câĂ©tait un souvenir. Fanlan, le Cetra qui effaçait ma mĂ©moire - quoi quâil faisait...est en train de se dĂ©faire. Je me dĂ©teste plus que tout. Jâai...
Ses sourcils se froncent vers le haut. De la pitiĂ©. Tout ce quâil me manquait !
-Je ne mĂ©rite pas tout ce que vous faites pour moi, câest tout ce que vous avez besoin de savoir, je souffle finalement en plaquant mes mains sur mes yeux humides.
Je voudrais pouvoir les rouvrir. Refaire ma sauvegarde. RĂ©aliser que ce nâest quâun cauchemar. Voir lâĂnergie de Vincent bouillonner Ă nouveau de mille feux.
-Angie...
Il me touche doucement le poignet. Je le repousse, peinant à retenir mes larmes, ma poitrine secouée.
-Ne me touche pas ! Je suis un monstre, tu entends ? Jâai tuĂ© Tseng. Jâai failli tuer ElfĂ©. Et maintenant câest toi que je tue et je nâen peux plus ! Je veux juste te sauver ! Pour une fois je tâen prie comprends-moi ! Je veux juste disparaĂźtre !
Sa main agrippe sa cape, le drap et mon haut, tous en mĂȘme temps et me soulĂšve brusquement jusquâĂ rapprocher nos visages Ă quelques centimĂštres Ă peine.
-Comment oses-tu me dire ça ? dit-il doucement, la voix presque blanche. Tu te fiches de ce que ta mort pourrait provoquer ?
Sombre et posĂ©e, aux antipodes de son visage empli de colĂšre noire Ă peine contenue. Son Ănergie Ă©carlate enfle et sâenflamme dans son corps.
-Comment oses-tu me dire ça Ă moi ? Est-ce Ă dire que je devrais disparaĂźtre aussi ? Jâai failli Ă empĂȘcher la femme que jâaimais de commettre une terrible erreur. Je les ai laissĂ©s tenter des expĂ©riences sur un bĂ©bĂ© encore dans son ventre. Comment crois-tu que je me suis senti lorsque je tâai entendu parler de lui ?
-SĂ©phiroth, hm ?
MĂȘme sâil savait que je dĂ©tenais beaucoup dâinformations, jusquâĂ maintenant il n'avait jamais Ă©mis la moindre interrogation. Je levai les yeux vers le haut, essayant de me remĂ©morer tout ce que je savais de lui.
-Si je ne me trompe pas, il a eu une enfance plutĂŽt solitaire. Il ne savait mĂȘme pas quâHojo Ă©tait son pĂšre, on lui a seulement dit que sa mĂšre sâappelait JĂ©nova....Il passait beaucoup de temps dans les laboratoires. On attendait beaucoup de lui et il Ă©tait Ă©troitement surveillĂ©, mais on ne peut pas dire quâil avait de vrais contacts humains.
Je penchai la tĂȘte dâun cĂŽtĂ©, soupirant.
-MalgrĂ© cela, en grandissant je pense que câĂ©tait Ă©vident quâil recherchait la compagnie. Du temps dâAngeal, Genesis, Zack et Cloud, quâil frĂ©quentait de prĂšs ou de loin, il Ă©tait dĂ©jĂ reconnu comme le meilleur soldat de la planĂšte. Mais de façon gĂ©nĂ©rale, il avait plutĂŽt bon fond. Il Ă©tait calme, posĂ©, rĂ©servĂ©, mais serviable. Il avait mĂȘme un brin dâhumour. Il avait aussi lâesprit de compĂ©tition.
Je pinçai les lĂšvres. Vincent fronçait les sourcils, les bras serrĂ©s sur son torse, lâair juste trĂšs concentrĂ© sur les faits, bousculĂ© par ses pensĂ©es...mais quelque chose me disait quâil Ă©tait extrĂȘmement contrariĂ©.
-Et impĂ©rieux. Il Ă©tait placĂ© sur une sorte de piĂ©destal dont trĂšs peu de personnes faisaient fi. Je pense quâil Ă©tait surtout trĂšs seul. Personne pour le comprendre, ou comprendre ce quâil avait vĂ©cu. Lui-mĂȘme ne comprenait pas trĂšs bien qui, ou plutĂŽt ce quâil Ă©tait. Qui le rendait si Ă part. Qui le rendait si fort. Outre ses responsabilitĂ©s, il provoquait beaucoup lâadmiration mais aussi la jalousie.
Je regardai sur le cĂŽtĂ©, gĂȘnĂ©e.
-On connaĂźt bien sĂ»r la version de Cloud et Tifa...mais ce quâil est devenu et tout ce quâil a fait mis Ă part...apprendre la vĂ©ritĂ© derriĂšre le projet JĂ©nova, sans jamais savoir que LucrĂ©cia Ă©tait sa mĂšre, a Ă©tĂ© un vĂ©ritable choc pour lui.
Je repose mes yeux sur Vincent, les siens se posant Ă plusieurs endroits, lâair de ne pas y croire.
-Je pense quâil lâignore encore aujourdâhui.
-Par ma faute SĂ©phiroth a vu le jour. Sâil avait eu quelquâun...si quelquâun avait Ă©tĂ© lĂ pour lui dire, les choses seraient sĂ»rement diffĂ©rentes.
Mes mains froides se posent sur celle de Vincent, les lÚvres pincées, en plein tumulte.
-JâĂ©tais lĂ il y a trente ans. Jâaurais pu tout empĂȘcher...Mais jâai Ă©tĂ© trop faible.
-Ătre conciliant nâest pas une faiblesse ! Quâaurais-tu pu faire dâautre, la forcer Ă ĂȘtre avec toi ? Câest elle qui a fait ces choix !
Il plante son regard humide dans le mien. Je le regarde avec effarement. Ma respiration continue dâĂȘtre rapide bien que je me force Ă respirer par le nez le plus silencieusement possible.
-Je lâai laissĂ©e faire Angelina. JâĂ©tais un Turk entraĂźnĂ©, et je me suis stupidement laissĂ© tuer. Tout ce que tu vois ici, SĂ©phiroth, GaĂŻa, Geostigma - cette fillette et sa famille, lorsque je tâai choisie plutĂŽt que Tseng et ElfĂ© - chaque vie perdue est le rĂ©sultat de mes actions !
-Vincent...
Je hoche la tĂȘte, dĂ©semparĂ©e.
-Que suis-je Angelina ? Si tu es un monstre, alors moi qui te laisse porter et racheter mes fautes, que suis-je ? Si je me tuais, cela rachĂšterait-il toutes mes fautes ? Cela rĂ©soudrait-il enfin quoi que ce soit ? presse-t-il en me secouant lĂ©gĂšrement, assĂ©nant ses questions. Est-ce Ă dire quâil nây a aucun espoir pour nous et que nous nâavons pas le droit de changer notre histoire ? Est-ce Ă dire que nous ne mĂ©ritons pas la vie ?!
Silence. La lumiĂšre de la lune paraĂźt froide. Nous sommes tous les deux tendus comme des arcs. Ses Ă©paules sont basses, ses coudes sur ses genoux. Je mesure sans aucune difficultĂ© toute lâampleur de sa peine comme si elle Ă©tait mienne.
-...Je lâignore, Vincent. Je sais juste que...je ne sais pas qui je suis. Que jâai peur de changer. De devenir celle que jâai vue dans mes songes. Je ne me sens pas Ă la hauteur. Je sais juste que tout va mal, et te sauver est la seule chose qui fait sens... MĂȘme si celle que je croyais ĂȘtre est parvenue Ă se faire haĂŻr de la seule personne qui ne dĂ©teste personne.
Son regard tombe sur mes clavicules, rĂ©vĂ©lĂ©es par ma position assise. Ni la cape, le drap, ou ma nuisette dâun satin argentĂ© ne recouvrent dĂ©sormais mes Ă©paules. Il hĂ©site un moment, lâair incertain, fĂ©brile, comme suspendu par un fil au-dessus dâun vide sans fond.
-...Qui ?
Je le regarde fixement. Il relĂšve les yeux, Ă cause de mon silence - ou sentant mon message, je lâignore. Mais je le sais exactement au moment oĂč il se fige, les yeux agrandis, lâair outrĂ©. Sa main se met Ă frĂ©mir.
-Tu penses que je te hais...? questionne-t-il d'une voix grave, un air sombre sur le visage.
Mes traits tremblent alors que je peine Ă retenir mes Ă©motions. Je tremble toute entiĂšre, de froid et de douleur.
-Tu penses que je te hais ? rĂ©pĂšte-t-il avec encore plus de colĂšre et dâincrĂ©dulitĂ©, me secouant une fois.
Nây tenant plus, je mâabandonne en fermant les yeux et fonds en larmes. Tombant vers lâavant, maintenue assise par sa main seulement. Mes mains encerclent son bras - il glisse sa main dans ma nuque pour me tirer et plaque soudainement ses lĂšvres contre les miennes.
Quâ...Elles sont plus parfaites encore que je ne me les Ă©tais imaginĂ©es. Les voir et les sentir sont deux choses totalement diffĂ©rentes. Leur forme curviligne, sculptĂ©e, rebondie, est seulement un avant-goĂ»t de ce quâelle promet.
Un frisson me traverse de la tĂȘte aux pieds. Mes cheveux se hĂ©rissent sur ma nuque, si ce nâĂ©tait pour sa main, plus puissante alors quâil presse ses lĂšvres de façon plus ferme que soudaine. Sa prĂ©sence, son odeur assaillent mes sens en mĂȘme temps que sa chaleur intense mâatteint depuis sa bouche. Puis vaguement autour de moi, comme si je me tenais prĂšs dâun feu.
Il Ă©loigne son visage, sĂ©parant nos lĂšvres dans un bruit mouillĂ© que je nâavais jamais entendu de si prĂšs. De si vrai. Plus obscĂšne que tout ce que jâavais eu lâimpression dâentendre dans un film. Jâouvre des yeux abasourdis sur lui. Sa respiration jusque-lĂ calme sâaccĂ©lĂšre.
Il sâĂ©loigne Ă une distance respectable, reprenant sa main, ses gestes incertains. Mes yeux sont Ă©carquillĂ©s de stupĂ©faction, me demandant si je venais de perdre la raison. Mes pleurs sâen sont retrouvĂ©s complĂštement arrĂȘtĂ©s. Je mâautorise seulement un dernier reniflement de souris.
Il se fige un instant, les yeux vagues, lâair de se fustiger. Puis il peine de plus en plus Ă me regarder, jusquâĂ ce que son visage se froisse de tension.
-...Je suis désolé. Je...
Avant de dĂ©tourner complĂštement le visage, de sâapprĂȘter Ă se lever - je mâempare de ses mains pour quâil reste sans sommation.
Il garde ses yeux vers le bas, clairement stressĂ© et dĂ©muni. Jâai Ă nouveau la gorge serrĂ©e, les yeux emplis de larmes, la poitrine pleine dâĂ©motions et de sentiments que je nâarrive pas Ă nommer, et de mots que je nâarrive pas Ă exprimer.
-Tu nâes pas un monstre. Tu ne lâas jamais Ă©tĂ©. Tu -
Je secoue un instant la tĂȘte, peinant Ă parler.
-Je nâai pas honte. Tu es ce qui compte le plus pour moi.
Il lÚve doucement les yeux, hésitant, me regardant entre ses cils sombres, le centre de ses iris enflammé, luisant presque à cause de la pénombre.
-...Si tu le penses, murmure sa voix grave et tĂ©nue. Prends mon Ănergie.
Je hoche la tĂȘte.
-Tu risques de mourir bientĂŽt, Vincent. Tu nâes pas invincible. Je peux le voir, tu es en train de dĂ©pĂ©rir. MĂȘme ta greffe nâarrive pas Ă suivre le rythme. Et Ă ce moment-lĂ , les choses contenues en toiâŠ
Je regarde la nĂ©buleuse avec attention. On dirait lâintĂ©rieur dâun volcan en pleine fusion. Sa main relĂšve mon visage pour capter mon regard.
-Si je perds toute mon Ănergie, le pire qui puisse arriver serait une transformation, explique-t-il fermement. Transformation qui, sans dĂ©faut, sauve et restaure mon Ănergie Ă chaque fois. MĂȘme si je le voulais, mourir nâest pas si simple pour moi.
Il mâinterrompt alors que jâouvre la bouche pour protester vivement :
-Je tiendrai ma promesse. Tu mâas clairement dit, que tu avais besoin de moi vivant, et si câest ta condition non-nĂ©gociable, tu lâas. Mais je ne vais pas tâabandonner. Ni maintenant, ni jamais. OĂč que tu sois, je viendrai te chercher. Et je te sauverai.
Je me revois, enfant, assise sur mes jambes, mes paumes ouvertes vers le ciel gris sur mes cuisses. Seule et désemparée. Secouée par des sanglots bruyants. Je revois Ivor, contraint de rester loin, les traits serrés.
-Celle qui est prĂȘte Ă tout pour sauver les autres parce quâelle ne sâaccorde pas assez de valeur, qui ne pense pas pouvoir reprĂ©senter quoi que ce soit pour les autres. Qui recherche notre attention, notre validation, notre fiertĂ©. Celle qui nâa pas de parent, pas de famille pour lâaimer, qui nâa pas eu dâamis pour lâaider jusquâĂ maintenant, lui montrer la voie Ă suivre - mais tout ça câest fini.
Et soudain, les bras de Vincent, sa greffe accrochant la lumiĂšre, percent mon champ de vision, et mâenlacent, sa chaleur mâenvahissant, une mĂšche de cheveux corbeau glissant sur mon Ă©paule.
Son pouce caressant ma joue me ramĂšne au prĂ©sent, ses cils bougeant avec le mouvement de ses yeux sur mon visage. MalgrĂ© notre proximitĂ©, tous les deux assis, moi sur le bord du lit et lui sur le bord de sa chaise, je dois regarder franchement vers le haut. Je ne peux pas mâempĂȘcher de prendre doucement son poignet en retour. Il ne mâa jamais regardĂ©e comme ça, et je suis sĂ»re que je ressemble Ă un zombie plus quâautre chose. Il est si intense que je me sens brĂ»ler sur un bĂ»cher.
-Fais-moi confiance, glisse-t-il, sa voix forte et gutturale.
Je lâobserve, subjuguĂ©e. Sa voix Ă©tait comme double. Et maintenant, câest peut-ĂȘtre moi qui ai des visions, ou peut-ĂȘtre que ses iris sont vraiment en train de gagner en luminositĂ©, comme un soleil en fusion teintĂ© de sang sur les contours. Mon cĆur prend un rythme diffĂ©rent, mes yeux parcourant son corps pour observer son Ănergie en fusion. Plus elle brĂ»le, plus...une envie innommable, une sorte de faim indescriptible me prend. Je dĂ©glutis, la respiration audible, prise dâune anxiĂ©tĂ© soudaine juste avant dâadmirer son visage et ses lĂšvres attirantes.
Il cligne des yeux, comme interpellĂ©. Contre toute attente, il approche soudainement son visage et mâembrasse passionnĂ©ment. Je lĂąche un lĂ©ger son de surprise, Ă©touffĂ© par ses lĂšvres. Mon cĆur bat si vite que je nâentends presque rien dâautre.
AprĂšs un premier contact intimidĂ© de mon cĂŽtĂ© qui ne sert quâĂ se jeter Ă lâeau, me faisant vivre le mĂȘme vertige effrayant, ses lĂšvres se dĂ©collent pour mieux se poser contre les miennes la seconde dâaprĂšs. Soit une seconde avant quâelles ne me manquent trop.
Remarquant sĂ»rement les frissons sur ma peau. Il prend sa cape de la main gauche et la place sur mon Ă©paule. Puis il enlĂšve son gant, pour le poser sur la table de chevet. Enfin il mâenlace du bras droit, sa main nue touchant ma peau nue entre mes omoplates, me faisant fermer les yeux dâallĂ©gresse. Ses lĂšvres Ă©pousent ensuite les miennes comme on sâĂ©pouse Ă un mariage, avec toute la ferveur et lâadoration dont je rĂȘvais de lui.
Sans rĂ©flĂ©chir, jâen redemande. Encore, et encore. Il se plie Ă chacune de mes requĂȘtes sans attendre. Ă chaque baiser qui se multiplie, parfois en changeant dâangle, nos souffles mĂ©langĂ©s, ma tension crĂšve un nouveau plafond. Ses lĂšvres...Une fois au contact, chaudes et fermes, douces et gentilles, câest comme une consĂ©cration aprĂšs tout cet aguichage.
Mon stress est Ă son paroxysme. Rien ne se passe comme prĂ©vu, comme je mây attendais depuis mon arrivĂ©e sur GaĂŻa. Depuis le dĂ©but, entre Vincent et moi, la dynamique Ă©tait claire : prĂ©tendre. Danser sur la ligne. Sans jamais avouer quoi que ce soit. Au moindre signe de relĂąchement, Vincent abat la moindre ambiguĂŻtĂ© sans attendre.
DĂ©passer cette ligne est un terrain complĂštement inconnu pour nous deux. Je ne me suis jamais demandĂ© ce quâil se passerait, ce quâil adviendrait de nous sâil mâacceptait. Mais au premier contact, dĂ©jĂ , ça nâavait rien dâamical, rien de chirurgical, rien de solvable.
Je repasse ma main sur sa joue, mon pouce prĂšs de sa bouche. Je suis essoufflĂ©e, assoiffĂ©e. Impatiente. Je rassemble mes mains sur ses clavicules avant quâelles ne glissent dâelles-mĂȘmes avec une certaine pression sur son torse affublĂ© de sa combinaison.
MalgrĂ© cela, sa chaleur perce facilement toutes les barriĂšres jusquâĂ moi, jusquâĂ crĂ©er cette bulle de perfection oĂč seuls lui et moi existons. Je remarque que son cĆur bat lourdement, fort et tangible. Jâagrippe son vĂȘtement, retournant ses baisers avec plus de ferveur - je lâentends retenir son souffle.
Il nous sĂ©pare brusquement. Ses cils tressaillent un instant sur le rubis de ses yeux, comme un battement dâailes de papillon avant que ses pupilles ne se focalisent sur moi, fixes et intenses.
Que fait-il ? Est-ce quâil attend encore que jâinitie ? Ses lĂšvres pleines sâentrouvrent lĂ©gĂšrement, montrant ses dents blanches parfaitement alignĂ©es et ses canines prononcĂ©es. Ses narines tressaillent, comme si une odeur avait captĂ© son attention. Câest alors que je comprends ce que je ressens. Ce nâest pas du stressâŠcâest de lâanticipation.
Il prend une grande inspiration, soulevant un instant ses Ă©paules pour parler :
-Mon Ănergie, Angie.
Je soupire, dĂ©semparĂ©e, les Ă©motions sens dessus dessous, au bord du dĂ©sespoir. Je hoche la tĂȘte nĂ©gativement. Je dĂ©glutis Ă nouveau alors quâil se penche subitement vers moi, affublant un air impĂ©rieux, la carrure imposante.
Nous nous figeons Ă nouveau, alors que le ton de la nĂ©gociation change complĂštement. Et je ne peux mâempĂȘcher de songer Ă combien il est beau. Juste pleinement, simplement, naturellement, douloureusement beau malgrĂ© son Ă©tat. Jâose Ă peine respirer.
-Es-tu devenue la personne que tu souhaites ĂȘtre ? As-tu accompli ne serait-ce que le quart de ce que tu rĂȘvais de faire en arrivant ici ? Que fais-tu de cet avenir que tu voulais crĂ©er pour nous ? Pour toi ?
Je réfléchis.
-Angie, dit-elle calmement mais fermement. Les hĂ©ros sont ceux qui dĂ©cident de lâĂȘtre. Tu nâes pas une hĂ©roĂŻne parce que tu as des capacitĂ©s innĂ©es, mais parce que lorsque lâoccasion sâest prĂ©sentĂ©e, tu nâas pas hĂ©sitĂ© Ă mettre en jeu ta propre vie pour nous sauver.
-...Je nâen suis pas capable. De toute Ă©vidence. Jâai rĂ©alisĂ©...que je nâĂ©tais pas une bonne personne.
Il hoche la tĂȘte nĂ©gativement. Je reprends avant quâil ne nie :
-Vincent. Tu ne penses pas ĂȘtre quelquâun de bien, nâest-ce pas ?
Il mâinterroge du regard, mais ne dĂ©ment pas.
-Comment penses-tu ĂȘtre la bonne personne pour aider Ă sauver la planĂšte dans ce cas, si ce nâĂ©tait pour tes capacitĂ©s ?
Il rĂ©flĂ©chit un instant Ă la question quand il comprend quâelle est extrĂȘmement sĂ©rieuse.
-...Cela ne mâa jamais traversĂ© lâesprit. Jâai simplement rĂ©alisĂ©...quâil mâĂ©tait impossible de dĂ©faire le passĂ©. Mais quâen ne faisant rien...tu connais lâhistoire.
Il cligne doucement des yeux, mâobservant.
-Ătre hĂ©ros nâest pas un titre mais une responsabilitĂ©.
-Tu estimes donc avoir une responsabilité envers la planÚte, fautes mises à part ?
-Fautes mises Ă part...?
Il réfléchit encore, baissant les yeux.
-...Angie, tu envies mes capacités, je crois ? questionne-t-il doucement.
Jâacquiesce.
-Si je nâen faisais rien, ne serais-je pas lĂąche ?
Je cligne des yeux.
-Ne serais-tu pas énervée ?
Je me sonde, incertaine.
-Une fois, je me suis imaginĂ© notre rencontre si tu avais fait partie dâAvalanche il y a deux ans. Je me suis dit...que tu mâaurais probablement disputĂ© pour ĂȘtre restĂ© endormi toutes ces annĂ©es.
Jâinspire avec dĂ©faitisme, avant de hocher la tĂȘte en signe dâadmission.
-Je tâaurais secouĂ© comme un prunier en tâexpliquant les Ă©vĂšnements. Je tâaurais convaincu de venir. Et ce dĂšs la premiĂšre fois.
-Et si jâavais refusĂ© ?
-Je tâaurais traitĂ© de lopette drama queen en te voyant virevolter avec ta maudite cape. Que si tu ne tâoccupais pas dâHojo, jâallais le faire et ne pas tâen laisser un seul morceau. Jâaurais commencĂ© Ă tâexpliquer par A + B pourquoi on avait besoin de toi dans lâĂ©quipe parce quâil Ă©tait hors de question que je devienne support et -
-En parlant de statistiques et autres termes dont je ne connais absolument pas la dĂ©finition, poursuit-il plus lĂ©ger. Tu mâaurais tirĂ© de mon sommeil de grĂ© ou de force, maugrĂ©ant du dĂ©sagrĂ©ment. Tu mâaurais pleinement dit ce que je pouvais faire. Tu mâaurais donnĂ© une direction, un rĂŽle.
Il penche lĂ©gĂšrement la tĂȘte dâun cĂŽtĂ©.
-Tu ne mâaurais jamais Ă©pargnĂ© avec tes mots. Tu mâaurais poussĂ© Ă vous aider, pleinement consciente de mes compĂ©tences. Tu mâaurais convaincu que je pouvais mettre mes capacitĂ©s au service du bien malgrĂ© mes expĂ©riences.
Je confirme.
-Chaque fois que je me serais tenu Ă lâĂ©cart, tu serais venue me chercher. Tu ne te formaliserais jamais de mes silences, mais tu me bousculerais chaque fois que je resterais trop longtemps plongĂ© dans mes pensĂ©es. Tu provoquerais toujours une conversation, un dĂ©bat. Tu demanderais conseil pour devenir meilleure combattante. Tu me disputerais chaque fois que jâĂ©noncerais mes fautes, comme tu lâas toujours fait.
Je hoche la tĂȘte distraitement, rĂ©alisant que ce serait plutĂŽt vrai. Que je me reconnaissais Ă©trangement, alors que je mâĂ©tais perdue de vue depuis Geostigma.
-...Tu penses toujours que je ne te connais pas ?
Pour une raison que jâignore, ma poitrine dĂ©borde toujours dâĂ©motion, mes yeux humides. Une joie intense me traverse. Je hoche la tĂȘte avec conviction, Ă©mue aux larmes, un sourire hĂ©sitant sur les lĂšvres. Ses lĂšvres sâĂ©tirent lĂ©gĂšrement, lâair plus apaisĂ©.
-Je ne fais rien de plus que ce que tu fais dĂ©jĂ . Angie...Il ne sâagit pas dâavoir les compĂ©tences requises, mais dâagir Ă bon escient. Quoi que tu penses ĂȘtre, ou les fautes que tu as pu faire...que nous voulions arranger les choses est la seule certitude que nous pouvons avoir. Que nous fassions en sorte dây arriver la seule chose que nous pouvons nous permettre.
Je hoche la tĂȘte, pensive.
-Nous ne saurons pas jusquâĂ la fin si nous avons Ă©tĂ© les bonnes personnes.
Il présente sa greffe.
-Mais je te demande à toi, telle que tu es et ces démons dont tu parles...si je requerrais ton soutien pour y parvenir, me refuserais-tu ?
Je me fige. Au bout de la file formĂ©e par Avalanche dans mon esprit, mâattend Vincent. Il mâattend depuis un moment, et la tristesse et la fatigue se lisent sur son visage. Il me tend sa greffe en signe dâinvitation, autant que de plaidoirie.
-Angie, les hĂ©ros sont ceux qui dĂ©cident de lâĂȘtre.
Pour la premiĂšre fois, tout fait sens. Les mots dâElfĂ© me percent avec une clartĂ© stupĂ©fiante sous ce nouvel angle. Je hoche la tĂȘte nĂ©gativement, mĂ©dusĂ©e.
-Non. Non, je sanglote en saisissant sa main. Tu as raison. Je suis désolée.
Je relùche un souffle frustré.
-Tu as vécu bien pire que moi et -
-Ce nâest pas ce que -
-Je sais, je murmure en caressant son visage de lâautre main, un sourire sur les lĂšvres. Je sais comment tu es.
ElfĂ© aussi avait raison...jâaurais dĂ» te parler bien plus tĂŽt. Plus que ta force, tes capacitĂ©s, tes dĂ©mons...ta compassion est ta plus grande force, Vincent. Je regarde la galaxie Ă son cĆur, ses rayons de lumiĂšre facilement visibles entre mes doigts. Son cĆur...bat au mĂȘme rythme que le mien.
-Tu es tout ce que je dĂ©sire, je murmure doucement. Et parce que je veux ĂȘtre diffĂ©rente...je vais vous faire confiance, et essayer de faire de mon mieux.
(Music : Ignition. de Chromonicci)
Ses yeux, qui avaient pris la couleur de la lave en fusion en pleine nuit, deviennent ténus. Je renifle pour la bonne mesure, rapprochant mon visage.
-Câest promis, je souffle.
Intimidée, je ramÚne alors ses lÚvres à moi pour sceller ma détermination et il ne résiste pas. Ma main quitte son torse pour soulever ses cheveux dans sa nuque dénudée.
Il ferme les yeux aussi, et je ne saurais dire ce qui envahit le plus mes sens pour culminer en overdose : ses lĂšvres, mes palpitations, nos respirations, sa chaleur, son odeur, sa peau, son Ănergie. Je remarque distraitement que le bout de son long nez droit touche ma joue.
Je le serre comme je peux contre moi, contre mon buste, me demandant sâil va finir par sentir les battements de mon cĆur affolĂ© comme un oiseau en cage. Ses lĂšvres rĂ©pondent Ă ma pression, ma demande silencieuse. Son souffle sâalourdit. Chacune de ses rĂ©actions positives me grise.
Son pouce se promĂšne un instant sur ma mĂąchoire, lĂ©gĂšrement tremblant, avant quâil nâappuie sur mon menton pour mâintimer Ă entrouvrir mes lĂšvres, ce quâil fait aussi. Puis il nous sĂ©pare, front contre front. Il nous fige ainsi quatre longues secondes, sans quâil ne se passe rien dâautre, pendant lesquelles ma frustration atteint jusque-lĂ un niveau encore inĂ©galĂ©.
Je le repousse pour le toiser, les traits serrés.
-Vincent, je fustige.
Il se pĂ©trifie, lâair plus tendu que jamais.
-Quây a-t-il ? Embrasse-moi.
Il a lâair confus et contrit. Mais il reprend rapidement ses esprits, puisquâaprĂšs un moment passĂ© Ă me jauger, il mâembrasse Ă nouveau. Assez vivement pour me surprendre par sa soudainetĂ©, parce que je lĂąche un « mh » approbateur. Je sens son visage, son corps se dĂ©tendre complĂštement.
Je bouge mes mains, soulevant ses cheveux, le serre Ă nouveau contre moi en me servant de ma prise sur lui pour me redresser, assise sur une jambe. La cape tombe dans notre agitation. Il mâenlace aussitĂŽt, son torse contre mon buste. Contre sa chaleur. Je relĂąche un soupire dâaise. Cette fois il mâembrasse vraiment, doux et enveloppant, mais avec une pression assurĂ©e. Mon Ăąme sâenvole. JâĂ©tais inquiĂšte un moment. Mais cela ne ressemble pas Ă quelquâun qui se force, ni de timide ou dâhĂ©sitant, nâest-ce pas ? Il est aussi romantique que je lâimaginais. Je souris malgrĂ© moi, aux commissures.
Puis lorsque jâagrippe ses cheveux, ravie, il relĂąche un souffle tĂ©nu. Il presse plus fermement et entrouvre les lĂšvres avant que sa langue ne vienne caresser les miennes. Des papillons dans lâestomac, je propose sagement le passage, et le contact fluide et soudain me fait lĂ©gĂšrement sursauter. Il est brĂ»lant. Je gĂ©mis, nây croyant pas lorsquâil devient encore plus sensuel, plus langoureux Ă ma rĂ©action.
Ma main glisse sur sa nuque, puis son Ă©paule, pour enfin prendre son visage en coupe pour le maintenir. Mon visage le suit dans chaque mouvement pour lâintimer Ă ne jamais rompre le contact. Je le presse contre ma bouche, peinant Ă respirer alors que je cherche plus de surface Ă toucher. Mon cĆur a lâair sur le point dâexploser.
Je peux sentir son Ănergie sous sa peau, de ses lĂšvres aux miennes, comme un peau contre peau habituel. Mais de lĂ Ă dire que ça valait un drain direct de ma main sur sa greffe, ce nâest pas comparable. Pour ĂȘtre honnĂȘte, je ne cherche pas vraiment Ă lui en soutirer.
-Angie, fustige sa voix, la respiration profonde que je remarque avec délectation.
Son regard est sévÚre et son ton est peu équivoque. Il demande clairement à ce que je remplisse ma part du marché. Je le dévisage, confuse.
-Je tâarrĂȘterai si je me sens trop Ă©puisĂ©.
-Que - quoi ?
Il incline la tĂȘte, autoritaire et gĂȘnĂ© Ă la fois.
-...Nous ne sommes pas obligés de procéder ainsi bien sûr, mais -
Quoi ? Tu - Je lĂšve les yeux au ciel. TrĂšs bien, je vois !
-Dâaccord ! je lĂąche, ma patience et ma volontĂ© Ă©puisĂ©es. Tu as gagnĂ© ! Maintenant continue sâil te plaĂźt !
CâĂ©tait un peu forcenĂ©. Je mâarrĂȘte. Il cligne des yeux, lâair clairement soufflĂ©. Il regarde soudain vers la porte. Je grimace alors que nous nous immobilisons.
-Je veux dire...
Je relĂąche un toussotement embarrassĂ©. Je suis si nerveuse que jâen sens presque mes membres trembler. Jâai dĂ©jĂ peine Ă croire que je sois vraiment en train de vivre ça. Est-ce que câest vraiment Vincent ? Est-ce que je ne serais pas en train de rĂȘver ? Bon sang, il nây a aucun moyen de rattraper ça.
Mais il ignore tout de mon Ă©vident dĂ©bat et place juste un doigt de sa greffe prĂšs de sa bouche pour mâintimer au silence. Puis il mime un passage dâĂnergie entre nos bouches en faisant un voyage. Il me regarde avec attention, immobile. Je hoche la tĂȘte pour communiquer mon entendement. Il acquiesce doucement en retour, fermant un instant les yeux, comme pour se donner du courage.
Il pose doucement sa bouche sur la mienne alors que je mâinterrogeais encore. Avec son bras, il mâamĂšne contre lui. Mon cĆur repart pour un manĂšge, relĂąchant un souffle fĂ©brile.
Les cils tremblants, je me risque Ă essayer. Ses lĂšvres pressent soudainement contre les miennes. Puis passionnĂ©ment en retour, comme en approbation, aprĂšs quelques instants oĂč je suis sĂ»re que comme moi, il peut sentir le vol dâĂ©nergie. Je lâenlace Ă©perdument, priant de ne pas commettre une terrible erreur.
La diffĂ©rence me choque aussitĂŽt. Il est diffĂ©rent de dâhabitude. Sa signature est lĂ , mais trĂšs effacĂ©e. Si je trouvais quâavant je pouvais dĂ©jĂ discerner les subtilitĂ©s des diffĂ©rentes Ănergies par contact et distinguer la sienne trĂšs visuellementâŠmaintenant câest comme boire directement Ă la source. Une source Ă©carlate.
DerriĂšre son apparente humanitĂ© et son calme lĂ©gendaire, il y a effectivement quelque chose de pur, bestial et puissant, pressant et imposant. Effrayant mĂȘme. Je peux fermer les paupiĂšres, et sentir cette nĂ©buleuse se dĂ©verser directement en moi, comme si son Ăąme elle-mĂȘme sây Ă©coulait. Sa langue appuie contre la mienne avec plus dâassertion, avant de sâenrouler autour et contre la mienne, nos respirations agitĂ©es.
Un frisson me parcourt de la tĂȘte aux pieds. Mon. Dieu. Je crois que ma voix sâest Ă©levĂ©e. Rien nâest moins sĂ»r. Ses doigts pressent sur ma peau, câest tout ce dont je suis certaine.
Cette lumiĂšre, cette masse dâĂ©toiles comme une galaxie nappĂ©e de tĂ©nĂšbres aux couleurs de Vincent, quâest-ce que câest bon sang... Dans mon esprit, je peux comme sentir le sien me toucher. Et alors que son Ănergie me fait revivre comme si je buvais une fontaine de jouvence, je peux sentir cette Ă©nergie sombre aussi parfaitement que si elle Ă©tait Ă moi. Elle est ancienne et terrifiante, avec ce mĂ©lange de couleur bleue, mauve et rouge que je connais bien, des ailes rouges dĂ©moniaques dĂ©ployĂ©es sâimprimant Ă mon esprit, remplissant lâespace.
« Hm ! » je ne peux mâempĂȘcher de lĂącher. Ce mĂ©lange fantastique dâEnergie et de sensations physiques rendent lâexpĂ©rience surrĂ©aliste. Je mâaccroche Ă lui avec plus dâentrain et de dĂ©sespoir que je ne voulais lui montrer alors que nos lĂšvres communiquent tout bas ce que je nâoserai jamais dire tout haut. Ăa avait dĂ©finitivement un goĂ»t dâinterditâŠmais au lieu de me repousser, il a pour don de me rendre fĂ©brile, malgrĂ© cette expĂ©rience Ă©trange.
Ă son contact, Ă son rĂŽle Ă©vident de destruction, je mâattends Ă ce que cette crĂ©ature impĂ©tueuse se rebelle, voire me blesse profondĂ©ment, alors que nos Ăąmes elles-mĂȘmes semblent entrer en contact. Sa main prend ma tĂȘte en coupe, son poignet dans ma nuque, me distrayant, ses doigts dans mes cheveux alors que le baiser se fait toujours plus passionnĂ©. Jâagrippe ses cheveux et ses vĂȘtements, cherchant toujours plus Ă nous rapprocher, Ă enlever cette distance quâil y a toujours entre nous et que je nâarrive pas Ă franchir, que je nâarrive mĂȘme pas Ă comprendre. Il accepte volontiers chacune de mes affections, mes approbations Ă ses attentions magistrales.
Dans mes mains cependant, ses cheveux changent de texture. Sa respiration de rythme, forte et profonde. Je sĂ©pare nos lĂšvres un instant. Ses yeux sont complĂštement envahis, dorĂ©s et brillants dans la pĂ©nombre. Des lignes commencent Ă marquer ses joues pĂąles comme la mort. Son regard est royal, direct et digne. Lentement, la commissure dâune de ses lĂšvres sombres se soulĂšve, comme un sourire, rĂ©vĂ©lant des dents perlescentes aiguisĂ©es.
Lorsquâil rejoint nos lĂšvres, ma soudaine anxiĂ©tĂ© est vite Ă©touffĂ©e par son baiser impĂ©rieux. Il presse nos bouches et avec sa langue rĂšgne sur moi dâune façon que je nâaurais jamais pu imaginer. Je mâarque par rĂ©flexe, Ă©lectrisĂ©e de plaisir. Sa greffe attrape mon haut sans mĂ©nagement pour me plaquer contre lui. Sa chaleur chasse tout le froid que jâai pu ressentir jusquâĂ prĂ©sent, et terrasse toute idĂ©e de rĂ©sistance.
Prends. PlutĂŽt que lâentendre, je le ressens. Mon rythme cardiaque Ă son paroxysme, aprĂšs un moment de flottement vertigineux, jâaspire son Ănergie irrĂ©sistible plus goulĂ»ment que de raison, avide et envoĂ»tĂ©e. Dans mon radar il brille comme un soleil, attrayant et addictif.
Mon esprit sâenvole momentanĂ©ment ailleurs, comme vers un ciel de nuit sombre mais dĂ©gagĂ©, frais comme Ă minuit, empli dâĂ©toiles brillantesâŠUn ciel que je ne vois plus depuis si longtemps. Lâembrasser a un goĂ»t de folie et de libertĂ©.
Deux yeux jaunes luisants dans le noir me fixent, une vision assez inquiĂ©tanteâŠmais les ailes Ă©tendues de façon menaçantes se replientâŠet la silhouette courbe lâĂ©chine, comme on prononce ses vĆux. Le sourire quâil avait se transforme pour devenir une belle ligne distincte et neutre. Autour des yeux devenant rouges, le visage, puis le corps de Vincent se forment plus ou moins. Il est plein de dĂ©fĂ©rence.
Il Ă©loigne sans prĂ©venir nos lĂšvres humides, nos respirations lourdes et profondes. Et je mets un moment Ă pouvoir garder les yeux ouverts mĂȘme aprĂšs avoir clignĂ© des paupiĂšres. Le mieux que je puisse faire est de comparer ce que je ressens Ă un shot de morphine.
(Music : I Hold You de The Clann)
Je reprends pieds avec la rĂ©alitĂ©. Il a lâair troublĂ©, encore en train dâessayer de contrĂŽler sa respiration. Les flammes de son Ănergie dansent encore autour de lui. Je prends sa greffe des deux mains :
-Est-ce que ça va ?
Je suis probablement la seule Ă avoir vĂ©cu cette expĂ©rience bizarre sur deux plans dâexistence. Je ne saurais mĂȘme pas comme la dĂ©crire Ă Vincent. Ni mĂȘme sâil pourrait croire ce que jâai vu.
-Je vais bien.
Il replace encore une fois la cape sur moi. Je la maintiens distraitement. Jâaurais voulu quâil nâarrĂȘte jamais. Je souhaiterais dĂ©jĂ que lâon reprenne. Mais je me sens refroidie lorsque son Ănergie a lâair presque complĂštement Ă©puisĂ©e et quâĂ la placeâŠune autre semble pomper dans ses veines. Rouge plus que bleue. Et intense.
Il regarde sa greffe, avant de regarder mes yeux agrandis.
-Ăa a lâair dâavoir fonctionnĂ©. Tu as dĂ©jĂ lâair dâaller mieux.
Il me toise, moi assise bien droite sur ma jambe, lui faisant face. En effet, je me sens... Je ne sais pas ce que câĂ©tait, mais câĂ©tait trĂšs certainement diffĂ©rent.
Mue par la curiositĂ©, je lĂšve ma main et rassemble lâĂnergie jusquâĂ ce que des volutes turquoises aux couleurs bleues et rouges de Vincent sâĂ©lĂšvent. Je parviens Ă former une boule prĂ©cise, nous Ă©clairant dâune lueur singuliĂšre. Un mĂ©lange de Vincent et moi.
Câest une chose de la contempler, de la ressentir et mĂȘme de la voir partir de moi. Je me sens aussi agitĂ©e quâelle. Sa main enveloppe curieusement la boule dâĂnergie sans la sĂ©parer de moi. Les volutes lĂšchent sans attendre sa peau.
-Tu peux le voir ? je questionne, étonnée.
-Bien sûr.
Il ne cache pas sa fascination alors que son pouce traverse la boule sans la perturber.
-Je peux mĂȘme la sentir.
Il me lance briĂšvement un regard.
-Tu deviens de plus en plus Ă lâaise avec tes pouvoirsâŠet je dois dire les Cetras sont vraiment capables de choses fascinantes.
Je ressens un pic, comme une Ă©pine en pensant Ă lâautre Cetra. Je tique. Il me couve du regard, lâair presque taquin. Il me rappelle sans mal le visage quâil a adoptĂ© tout Ă lâheure, presque transformĂ©.
-...Entre autres choses.
Sa voix aussi est terriblement plus grave et feutrĂ©e. Un frisson parcourt mon Ă©chine. Mes doigts serrent la cape sur mon Ă©paule, mon cĆur palpitant alors quâune chaleur sâabat sur moi. Il dĂ©glutit, son expiration audible un court instant.
-Regarde.
Je lâentoure des deux mains et me concentre pour rassembler le plus possible de son Ănergie en moi, fronçant un sourcil jusquâĂ ce que les couleurs que jâai envie de voir se forment, avec presque pas de turquoise. Ă force de recevoir son Ănergie, ça a fini par me venir naturellement.
-Lorsque je te regardeâŠcâest ce que je vois, je confie. Dans tout ton corps, exceptĂ© ton bras gauche. LâĂnergie et le Lifestream de ton bras pulsent Ă ton cĆur, oĂč se trouve une sorte de transformateur, qui ressemble Ă un cristal de galaxie. Il se mĂ©lange au reste de ton corps, et prend ces allures de nĂ©buleuse.
Je fais sâagiter les couleurs, comme chez lui, puis plonge mes yeux dans les siens.
-Bien sĂ»r tout le monde est unique, mais ton Ănergie est reconnaissable entre mille...Elle ne ressemble Ă celle de personne dâautre. Tu es diffĂ©rent, et câest sĂ»rement pour cela que tu ne peux pas tomber malade. Tu es irremplaçable.
Il contemple lâidĂ©e et lâĂnergie un moment suspendu dans le temps, ses iris enflammĂ©s teints par sa lumiĂšre. Je caresse tendrement la ligne de sa mĂąchoire pour le ramener Ă moi et il ne me repousse pas. Mais il garde une certaine distance entre nous. Je peux le sentir rien quâĂ sa façon crispĂ©e de se tenir et son air coupable. Mon mince sourire plein dâespoir tombe en mĂȘme temps que ma main.
-âŠCâest que ce que jâessayais de prĂ©server.
Il lâobserve avec attention une derniĂšre fois, puis cligne des yeux, lâair Ă©puisĂ© mais me toisant avec intrigue. Finalement, il prend mon poignet et rassemble mes mains sur la boule jusquâĂ ce quâelle soit absorbĂ©e, nous replongeant dans le noir entrecoupĂ© par la clartĂ© de la lune et ses rayons perçant par les fenĂȘtres.
Je le dévisage avec une grande inquiétude.
-Je vais bien.
Je passe sous silence sa soudaine froideur.
-Non, ça ne va pas. Tu as de la chance de tâĂȘtre reposĂ© un tant soit peu avant. LâĂnergie Ă©tait plus pure que ce que je nâai jamais ressenti jusquâĂ maintenant. CâĂ©tait peut-ĂȘtre dangereux pour toi. Cette Ănergie Ă©tait peut-ĂȘtre mĂȘme nĂ©cessaire Ă ton bon fonctionnement.
-Nous verrons ce que diront les analyses.
Il nâa pas du tout lâair inquiet.
-Vincent, ce que je tâai montrĂ© est en train de disparaĂźtre chez toi, est-ce que tu comprends ? Câest grave.
Il hoche la tĂȘte nĂ©gativement.
-Je vais bien.
Je soupire de frustration Ă travers mon nez.
-Vincent -
-Il faut que tu te reposes, dit-il en forçant Ă mâallonger.
Je résiste.
-Attends. Je suis sérieuse. Vincent je -
Il prend mon visage en coupe et presse soudainement, passionnĂ©ment ses lĂšvres aux miennes, me faisant faire une crise cardiaque. Il ne sâattarde pas cependant, ce qui mâindique quâil ne cherchait pas Ă me donner de lâĂnergie. Il dĂ©tourne un instant le visage, lâair dâavoir besoin de se reprendre. Ses yeux perdent tout juste de leur lueur irrĂ©elle lorsquâil les repose sur moi.
Il a lâair frustrĂ©, mais son expression est sans appel.
-Je tâai fait une promesse, coupe-t-il avec fermetĂ©, le regard dur.
Je le regarde avec de grands yeux, relùchant mon souffle, chamboulée.
-Je tâassure que je vais bien. Fais-moi confiance.
Il me toise, implacable. Puis cligne curieusement les yeux quand je ne trouve plus mes mots (si ce nâest pour dĂ©glutir de total Ă©tonnement). Son regard sâadoucit. Il caresse une fois mes cheveux pour les remettre en place. Mon cĆur a explosĂ© cette fois, câest sĂ»r. Je ne sais pas comment il bat encore. Mais je me retrouve Ă espĂ©rer Ă nouveau.
Ma main sâempare avec prĂ©caution de son poignet, le dĂ©vorant du regard. Je mâavance pour quĂ©mander silencieusement mais avidement un autre baiser, tout comme il vient de mâen accorder un - il sâĂ©loigne en consĂ©quence en levant sa main entre nous.
-Non, dit-il un peu précipitamment, mais fermement.
Je me fige, le cĆur suspendu.
Son air se fait anxieux pendant quâun froid insidieux sâempare de moi, mon dĂ©sir et mes palpitations soufflĂ©s.
-...Promets-moi de respecter ta parole.
...Je hoche la tĂȘte distraitement.
-...Je te demanderais aussiâŠsimplement de ne pas en parler aux autres.
Jâacquiesce avec plus dâassurance.
-Bien sĂ»r. Ne tâen fais pas, cela reste entre nous, je lui assure prĂ©cipitamment. Sâils ont un doute, au moindre problĂšme, câest moi qui ai initiĂ© de toute façon.
Oui, câest sĂ»rement la raison de son rejet. Vincent subit dĂ©jĂ assez comme ça. Il nâa pas besoin de cette pression supplĂ©mentaire. Peu importe que les autres lâacceptent ou non. Le mondeâŠcomme Vincent lui-mĂȘme ne sont pas prĂȘts Ă lâaccepter.
Il hoche la tĂȘte, lâair maintenant trĂšs coupable et maussade. AprĂšs mâavoir toisĂ©, il me pose doucement, me laissant arranger le drap sur mon corps. Je me sens me frigorifier. Le froid sâinsĂšre Ă nouveau dans mes veines. Une enclume sâabat sur moi. Aussi vite accordĂ©...aussi vite repris.
Je me souviens. Je me souviens que jâai seize ans. Et quâil ne fait probablement ça que pour me sauver ou me faire changer dâavis. Je me souviens que seule la situation le pousse Ă faireâŠquoi quâil pense faire. Je me souviens que tout cela nâest quâune illusion.
Je ne pensais mĂȘme pas Vincent capable dâembrasser. Je nâarrive mĂȘme pas Ă lâimaginer, mĂȘme avec quelquâun dâautre, alors ça. Comment revenir en arriĂšre ? Comment aller plus loin ?
...Il sâest armĂ© de lui-mĂȘme sous toutes les coutures pour me faire plier. Et bien que jâen aie retirĂ© le meilleur, cela avait tout dâune transaction Ă prĂ©sent. Je ne sais plus quoi penser.
-Je me souviens encoreâŠcombien je me sentais seule et impuissante quand jâĂ©tais de retour sur TerreâŠsans toi ni personne Ă mes cĂŽtĂ©s. CâĂ©taitâŠinsupportable.
Je serre sa greffe de toutes mes forces, me demandant combien il peut le sentir exactement.
-Je suis dĂ©solĂ©e. Je nâai jamais voulu abandonnerâŠSi jâai tout fait pour revenir ici, ce nâest pas pour rien. Je veux vous aider, bien sĂ»r, maisâŠje voulais aussi te revoir. Absolument.
MĂȘme si je sais que ce ne sera jamais rĂ©ciproque.
-Mais il faut que tu saches que jâai peur pour toi.
Je lâadmire un instant, sentant un nouveau dĂ©mon naĂźtre et me torturer dĂ©jĂ , bien que je ne connaisse pas encore son nom.
-Merci...pour tout. Je vais...essayer de prendre exemple sur toi.
Il mâobserve figĂ©, mĂȘme la respiration arrĂȘtĂ©e semble-t-il, les yeux dâun rouge sombre fixĂ©s sur moi. Avant de pincer les lĂšvres, les yeux humides. Finalement il prend ma main de ses deux mains, une humaine, une qui ne lui appartient pasâŠune quâon lui a rajoutĂ©e sans rien lui dire, sans lui demander, et il la serre mains jointes contre son front, son visage cachĂ© alors quâil pose ses coudes sur ses genoux, penchĂ© prĂšs de moi.
Nây tenant plus, je lâenlace Ă nouveau avec les forces quâil mâa donnĂ©es, son visage dans le creux de mon Ă©paule. Il me rend mon Ă©treinte, bien quâil soit tendu. Egal Ă lui-mĂȘme, il garde tout Ă lâintĂ©rieur de lui.
-Je voulais aussi que tu reviennes, souffle-t-il. Alors bats-toi.
-Personne nâa dit que ce serait facile.
âŠMâavouant vaincue, je ravale ma peine et hoche la tĂȘte, sachant quâil le sentira. Il mâobserve me rallonger sagement dans le lit, sous sa cape et les couvertures. Puis nous nous contemplons. Un long moment. Une distance semblant se remettre en place Ă chaque seconde supplĂ©mentaire, comme si jâavais vraiment rĂȘvĂ© ce moment avec lui.
Ă mon grand Ă©tonnement, il sombre avant moi, plus avachi quâassis, appuyĂ© de cĂŽtĂ© sur la tĂȘte de lit, la tĂȘte contre le mur. Il pose distraitement une main sur mes clavicules, comme pour toujours sâassurer de ma prĂ©sence et sentir le moindre changement. Son visage est exempt de tout dĂ©faut, comme toujours. Mais Ă ce moment, il est surtout exempt de tout souci. Je rĂ©alise alors que je ne lui ai jamais connu dâexpression vraiment paisible avec moi.
Fin du Chapitre-22
Bloopers :
~-Dâaccord ! je lĂąche, ma patience et ma volontĂ© Ă©puisĂ©es. Tu as gagnĂ© ! Maintenant continue sâil te plaĂźt !
Les yeux de Felicia sâagrandissent, pendant que Tifa Ă©changent un sourire malicieux et complice avec elle. Elles gesticulent des signes de victoire aussi silencieusement que possible. Cloud secoue la tĂȘte en les toisant, plein de jugements.
-Je veux dire...
Angie relĂąche un toussotement embarrassĂ©. Tifa se retient dâĂ©clater de rire et mime vivement Ă Cloud de les rejoindre. Ce dernier roule des yeux avant de les imiter, en restant silencieux, debout au-dessus des jeunes filles.
Il ne sent pas fier mais la curiositĂ© le ronge au sujet du tireur dâĂ©lite de lâĂ©quipe. Aurait-il vraiment des sentiments plus que platoniques pour la jeune fille ? Peut-il vraiment laisser son histoire avec LucrĂ©cia derriĂšre lui pour un nouvel avenir ? Il a peine Ă y croi -
Soudain, la jeune fille gĂ©mit. Et de façon non Ă©quivoque et trĂšs encourageante. Alors il regrette, les yeux Ă©carquillĂ©s. Il regrette amĂšrement alors quâil se dĂ©colle aussitĂŽt et rougit jusquâĂ la pointe de son Ă©pĂ©e.
Il sâĂ©carte prĂ©cipitamment â les jeunes femmes lui ordonnent aussitĂŽt de rester silencieux avec des doigts trĂšs insistants devant leur bouche et un regard sĂ©vĂšre. Tifa lui rappelle avec des gestes que Vincent entend trĂšs bien. Cloud hausse les Ă©paules, ne sachant pas quoi faire, ni sâil devrait vraiment sâexcuser.
Mais elle se remet trĂšs vite Ă son espionnage. Sa mĂąchoire se dĂ©croche Ă un quelconque Ă©vĂšnement, de choc et dâincrĂ©dulitĂ© semble-t-il. Felicia ferme son poing en signe de douce victoire. Puis elle bouge les sourcils de façon suggestive, pleine dâhumour lâair de complimenter lâaudace et le talent des tourtereaux. Tifa se retient Ă grande peine de sâĂ©crouler de rire.
Le blond soupire et prĂ©fĂšre sâen aller, alourdi par ce souvenir, se demandant comment il allait regarder le tireur en face aprĂšs ça. DĂ©finitivement Ă lui.
~DG regarde avec gravitĂ© lâassemblĂ©e composĂ©e dâAngie, Vincent, Reeve, Cloud, Tifa, Felicia, Ive, Eclipse et Full. Puis sort une main remplie de petites tiges de bois de derriĂšre son dos en fermant le cercle Ă Ive.
-Piochez. Et que la chance soit en votre faveur.
-Pour quelle raison, je te prie ? demande Angie.
Ils piochent tous. Le cĆur de DG bat littĂ©ralement la chamade.
-Celui ou celle qui annoncera Ă Ive tout ce qui arrive dâexplicite Ă Angie, chuchote-t-elle.
Tous les visages pĂąlissent, Ă lâexception de Tifa, qui se retient dĂ©jĂ de rire. Car le malchanceux estâŠ
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âŠĂ dĂ©cider par vous ! Oui, ça faisait longtemps que je ne vous avais pas demandĂ© dâinteragir et jâai hĂąte dâavoir vos rĂ©ponses ! Je vous laisse dĂ©cider par le moyen que vous voulez, mp ou reviews, ce que vous voulez, dĂ©signer le nom de votre malheureuse victime ! Le grand perdant aura donc sa scĂšne dans le prochain chapitre, dans la partie Blooper comme toujours.
Comment avez-vous trouvé ce chapitre ? Oh mon dieu j'ai adoré l'écrire ! La partie confrontation avec la lettre et le baiser, c'était *muah!*. Sur ce je vous fais de gros bisouuus ! Au mois prochain !