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Manga / Anime

Fairy Tail

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Les nouvelles aventures de Fairy Tail : la princesse au bois rĂŞvant

Usagi-chan

Résumé : Le futur est-il vraiment déjà écrit, et notre destin tout tracé ? Nous, on n’y croit pas une seule seconde ! Nous sommes des mages de Fairy Tail, et notre avenir, il n’y a que nous qui puissions en décider ! Si tu n’aimes pas ce que tu vois, alors lève-toi et bats-toi pour que demain existe !

Disclaimer : La plupart des personnages ainsi que l'univers appartiennent Ă  Hiro Mashima. Les personnages qui ne font pas partie de Fairy Tail sont Ă  moi.

Et voilà, c'est le dernier chapitre ! J'espère que cette histoire vous aura plu, moi j'ai adoré l'écrire ! Bonne lecture ^^

EPILOGUE La fin d’une aventure… Mais rien ne se termine jamais vraiment !


La fête promettait d’être grandiose. En sept années la guilde avait retrouvé, en plus de son statut officiel, toute sa superbe ainsi que ses anciens membres et en avait même accueilli de nouveaux. Le ciel était d’un bleu magnifique, promesse d’une journée clémente et douce. Le jardin, paré de ses plus belles fleurs, voyait s’installer de part et d’autres de la somptueuse fontaine représentant l’emblème de Dreaming Light, des rangées de chaises recouvertes de tissu immaculé faisant face à un hôtel blanc garni de bouquets bigarrés. Quelques mètres derrière, se dressaient de longues tables de bois où se retrouveraient bientôt des dizaines et des dizaines de convives, le tout surplombé de guirlandes colorées répandant un doux parfum floral. Lorsque la dernière chaise fut posée, le dernier pétale arrangé, la dernière assiette agencée, le fourmillement de mages au travail se dispersa, chacun enfin libre de se préparer.

Dans une pièce du grand temple, ignorant la joyeuse agitation pourtant visible par les larges fenêtres, quatre jeunes femmes vêtues de splendides robes de cérémonie s’affairaient autour d’une cinquième, fixant épingles et pétales dans ses cheveux cuivrés, arrangeant les pans de la robe ou du voile blancs, ajustant les parures fines et élégantes.

- Voilà, c’est parfait ! S’exclama une Erza plus que satisfaite en contemplant son chef-d’œuvre. Qu’en dîtes-vous ?
- E-Erza-san… Balbutièrent Juvia et Wendy d’un ton peu assuré alors que Lucy se précipitait vers le désastre les yeux grands comme des soucoupes.

Le voile était accroché dans les mèches rousses soigneusement peignées d’une manière qui rappelait étrangement la forme d’un gros champignon mou. Et probablement toxique.

- J’ai voulu représenter l’épanouissement d’un bouton de rose s’ouvrant doucement à la douce lumière du soleil…
- C’est très joli Erza, la coupa Lucy ne sachant si elle était plus désabusée, amusée ou catastrophée. Mais je crois bien que notre amie a opté pour un style plus… classique, ajouta-t-elle avec un clin d’œil à la concernée.
- Effectivement, répondit celle-ci d’une voix hésitante en choisissant soigneusement ses mots, redoutant autant l’aspect de ce qui logeait sur sa tête que de froisser son amie et renommée Titania. La tradition est très importante pour nous, mentit-elle, je ne voudrais pas choquer mes invités…
- Ah, bon, se résigna la reine des fées au soulagement général. Ce n’est pas grave, Fairy Tail aime l’originalité, alors je pourrai m’occuper de vous, reprit-elle, rayonnante, à l’attention d’une Juvia et d’une Lucy palissant à vue d’œil. Evidemment, de toi aussi, Wendy, quand ton tour viendra ! Ajouta-t-elle au grand dam de la suscitée qui avait pensé passer entre les mailles du filet.

Alors qu’elles parlaient gaiement en tentant d’effacer les clichés étranges de leur propre silhouette parée d’atours grotesques que Titania avait réussi à implanter dans leur imaginaire, un rayon de soleil se posa sur une robe d’un délicat vert émeraude, posée sur une chaise dans un coin de la pièce, attendant patiemment sa propriétaire.

- Voilà, c’est terminé ! S’exclama enfin Lucy.

La constellationniste s’éloigna de quelques pas et fit le tour de la silhouette gracieuse pour avoir une vue d’ensemble et vérifier que rien ne manquait.

- Alors, comment je suis ? Demanda fébrilement la mariée en attendant le verdict de la blonde et de ses amies.
- Tu es vraiment magnifique ! S’exclama cette dernière.
- Oui, Juvia est d’accord, acquiesça la mage de l’eau des étoiles plein les yeux.

Son imagination tournait à plein régime, et elle s’avançait dans sa propre robe, le jour de sa propre cérémonie, vers son futur époux l’attendant fiévreusement devant l’autel. Elle avait déjà presque la date, le lieu, la liste des invités et des différents plats… Seul manquait l’accord du concerné. Une simple formalité.
Laissant leur ami à son doux rêve, les trois autres mages de Fairy Tail admirèrent la future mariée avec émerveillement. Elle était vraiment sublime dans sa robe opaline et aérienne, ceinte de voiles légers et de perles, ses longues mèches cuivrées partiellement tressées en une couronne piquetée de fleurs aux couleurs vives et assorties au traditionnel bouquet, couronne d’où tombait une cascade de tissu blanc et vaporeux. Les quelques années qu’elle avait vécues depuis leur première rencontre ne l’avaient rendue que plus belle et gracieuse. Elle n’était pas une fée, mais en avait l’allure.
Enfin, Erza déclara :

- Il va être l’heure. Tu es prête Wendy ?
- Oui ! Répondit l’adolescente, enthousiaste.

La rousse se tendit imperceptiblement, mais les autres perçurent tout de même son hésitation.

- Pourrais-je avoir une minute, seule ? Demanda-t-elle.
- Bien sûr, répondit la reine des fées. Nous serons dehors, et Wendy t’attendra en bas des escaliers avec Shin. Tu n’auras qu’à les appeler quand tu seras prête.

Les quatre mages se dirigèrent vers la sortie, quand leur amie les interpela :

- Attendez !

Elles se retournèrent, surprises, et la jeune femme prit une grande inspiration, se donnant une contenance.

- Je voulais vous remercier d’êtres là, reprit-elle d’une voix tremblante. Vous n’imaginez pas ce que cela représente pour nous, Chuujou et moi, après tout ce qu’il s’est passé, tout ce que vous avez fait…

Mais les mots moururent dans sa gorge à l’évocation de cette époque déjà lointaine pour elle, encore récente pour ses amies. Ses yeux menaçant de laisser déborder son bouleversement et ruiner l’excellent travail de maquilleuses des mages stellaire et aquatique, elle se tut. Le silence se fit alors que toutes cinq se regardaient, se remémorant leur rencontre, les épreuves, ressentant plus que jamais et malgré le temps passé les liens qui s’étaient tissés entre elles. Lucy s’approcha, prit la main de la jeune femme et répondit alors que les autres les rejoignaient :

- Pour nous aussi, cela compte énormément de pouvoir célébrer ce jour avec vous.
- Je suis vraiment heureuse que vous soyez revenus, ajouta la rousse dans un murmure. Lorsque vous avez disparu avec votre île, je n’ai jamais pu me résoudre à abandonner l’espoir… Et votre présence ici, aujourd’hui, signifie tellement pour moi…

Une fois de plus, sa phrase resta en suspens. Ces sept années avaient été longues, interminables. Mais si elles l’avaient ébranlée, elle avait toujours refusé d’oublier ses amis et compagnons d’armes. Elle avait si souvent désiré posséder encore ses dons de voyance, être en mesure de les retrouver grâce à ses rêves ! Et finalement, le miracle avait eu lieu. De nouveau, Fairy Tail lui avait prouvé que rien n’était impossible. Alors, armée de sa foi et du courage qu’ils lui avaient rendu, elle y croirait encore, jusqu’à son dernier souffle.

Elle adressa un sourire Ă  ses amies et la blonde lui demanda :

- Est-ce que ça va aller ?

Au hochement de tête positif qu’elles reçurent, les trois jeunes femmes et l’adolescente s’écartèrent et gagnèrent la porte.

- Nous serons juste en bas, répéta Erza avant de sortir et de fermer derrière elle.

La future mariée, à présent seule, soupira. Elle jeta un œil par la fenêtre et aperçut son promis devant l’autel, en pleine discussion avec leur druidesse. Il paraissait détendu, enjoué, mais à sa façon de se tenir, un peu trop raide, et à ses gestes, mécaniques, elle savait qu’il était stressé. Elle le connaissait bien trop pour se laisser embobiner par ses grands airs. La jeune femme eut un sourire attendri.
Puis, elle se dirigea presque à reculons vers le grand miroir en pied qu’elle n’avait osé approcher de tous les préparatifs, et son sourire s’agrandit. Ses amies avaient bien travaillé, même elle se trouvait ravissante. Chuujou en serait scotché. Il lui tardait de voir le regard ébahi et admiratif de son fiancé se poser sur elle. Mais l’objet de ses hésitations n’était pas vraiment son propre reflet. Juste à côté de la psyché se trouvait une chaise. Et sur cette chaise, reposait une magnifique robe émeraude. Elle se pencha et referma ses doigts sur le tissu fin, faisant jouer la lumière du jour sur les discrets strass. La coupe audacieuse du vêtement aurait été horrible sur elle, mais aurait tellement sied à celle pour laquelle elle l’avait choisi. Elle aurait sublimé sa beauté sensuelle sans pour autant la rendre provocante.
Mais Mirai n’était pas là. Et, Yume l’avait compris depuis un moment, elle ne pouvait plus, ne voulait plus exister uniquement à travers l’attente fébrile du retour de sa sœur. Sa jumelle comptait plus que tout pour elle, mais elle n’était pas la seule. Elle ne voulait plus négliger les siens. Trop en souffraient. Elle avait des responsabilités, sa guilde avait besoin d’elle. Chuujou avait besoin d’elle. Il l’avait toujours comprise, ne l’avait jamais pressée, mais elle ne voulait plus le faire attendre. Elle ne voulait plus attendre. Cela faisait sept ans qu’elle était libérée de la prophétie, mais elle n’avait jamais eu l’impression d’être libre. Elle voulait bien sûr continuer d’espérer, mais surtout, elle voulait enfin vivre.
Le regard toujours bloqué sur l’étoffe émeraude, la jeune femme desserra son emprise et le tissu glissa lentement de ses doigts. Une cloche tinta dans le grand jardin. Il était l’heure. Elle était prête.
Un sentiment étrange naquit alors dans son cœur. Comme une intuition, une urgence, vibrante, pressante. Soudain prise d’une impulsion folle, d’un élan impérieux, elle raffermit sa prise sur la robe juste avant qu’elle ne lui échappe et courut hors de la pièce.

………………………………….

Lucy s’agitait nerveusement en se triturant les doigts. De sa place près de l’autel, elle voyait les convives finir de remplir les nombreux sièges. Hana, la vieille femme que la constellationniste et ses amis avaient déjà vue officier à la cérémonie funéraire d’Amami, attendait patiemment derrière la table de cérémonie que tout ce beau monde ait terminé de s’installer et que Yume soit prête, pour débuter. La jeune fille répondit distraitement au sourire de Mirajane et aux signes de Levy. Ses deux amies avaient pris place avec d’autres membres de Fairy Tail au milieu de la foule. Les fées avaient beaucoup aidé à la reconstruction et à la réhabilitation de Dreaming Light avant leur disparition soudaine sur l’île Tenrou, et les deux guildes étaient rapidement devenues amies.
Mais, à cet instant précis, les pensées de la blonde n’étaient absolument pas dirigées vers ses camarades ou les épuisantes heures passées à transporter matériaux et outils. La cérémonie allait commencer et son Salamander de petit ami n’avait toujours pas fait son apparition. La constellationniste ne parvenait pas à savoir ce qu’elle redoutait le plus : qu’il se soit empêtré dans son smoking, ait abandonné l’idée de nouer convenablement sa cravate et se présente avec celle-ci autour de la tête, ou bien qu’il ait préparé une surprise dont lui seul avait le secret pour fêter dignement l’événement et surtout attirer l’attention. Surprise qui ne manquerait ni de faire de sérieux dégâts aux niveaux matériel et humain, ni d’entacher sa propre réputation… A moins qu’il ne se soit tout simplement recouché. A côté d’elle, elle pouvait sentir sans même la voir l’impatience d’Erza s’intensifier, devenir presque palpable, solide. Gray était déjà là, lui, collé par une Juvia totalement perdue dans la contemplation béate et amoureuse de son petit ami. Pourquoi le sien devait toujours poser tant de problèmes ? N’y tenant plus, elle se précipita à l’intérieur de la guilde sous les regards étonnés des convives et vola presque au dessus des escaliers jusqu’à la chambre qu’ils partageaient.
Arrivée à la porte, elle toqua, l’ouvrit et invectiva la Dragon Slayer, tout cela à la fois :

- Natsu, qu’est-ce que tu fiches ?! La cérémonie va bientôt commencer !

Mais elle ne put rien ajouter. Le jeune homme était bien là, dans son costume sombre et sa cravate impeccablement nouée. Comment ce prodige était-il possible, elle n’en savait rien et pour être honnête, n’y accordait que peu d’importance. Car à cet instant précis, la constellationniste eut plutôt l’irrépressible envie de lui arracher sa cravate et tout ce qui se trouvait en dessous et ne plus jamais ressortir de cette pièce. Un sourire concupiscent prit place sur ses lèvres. Dieu qu’il était appétissant en smoking ! Mais sans la sauce et les miettes autour de la bouche, il n’en aurait été que plus… Sauce ? Miettes ? Mais… !
Le jeune homme adressa Ă  sa promise un sourire Ă©clatant :

- Désolé, j’avais un petit… Waouh ! S’exclama-t-il alors qu’il posait les yeux sur elle. Tu es vraiment…

Vraiment quoi, elle ne le saurait jamais car elle l’interrompit brutalement d’une voix blanche en pointant une petite table derrière Natsu, recouverte de divers plateaux presque vides (si on omettait quelques os, des litres de sauce et la moitié d’un pain de campagne marqué par des traces de crocs) :

- Mais… C’est quoi tout ça ?

Le jeune homme eut un sourire penaud.

- Ne me dis pas que…, menaça la jeune fille.
- Hé hé…
- Non, tu n’as tout de même pas…
- Je suis sûr que ce n’est pas ce que tu crois…
- Comment as-tu pu…
- Si tu me laissais t’expliquer…
- Comment as-tu pu te servir dans la nourriture du mariage ! Explosa-t-elle en l’attrapant par sa cravate, qu’elle allait peut-être finalement bien lui arracher mais pas dans les conditions précédemment désirées.
- Ah, si, c’est exactement ce que tu crois…

Se contenir. Elle devait se contenir. Respirer… Expirer… Respirer… Expirer… Calme… Rester calme… Elle n’avait pas le temps de s’occuper de cela maintenant. Elle était demoiselle d’honneur, que diable !
Levant les yeux au ciel, Lucy attrapa une serviette que le jeune homme avait eu la présence d’esprit d’amener et qui, par miracle, était encore propre, et débarbouilla le visage de son petit ami en maugréant. Un rapide coup d’œil à la chemise claire pour vérifier qu’aucune catastrophe n’était survenue, et elle tira un Natsu tout sourire hors de la pièce. Vraiment ! Qu’est-ce qui pouvait bien lui passer par le crâne ?! Mais le pire, c’était qu’il lui serait impossible de rester fâchée contre lui. Elle le savait, et cela l’énervait encore plus.

- Oh, Lucy, fais pas la tête ! Supplia le jeune homme en enfouissant son visage – propre – dans le creux du cou de la jeune fille.
- Natsu arrête, ce n’est pas le moment ! On est au beau milieu du couloir, on est en retard et…

Impossible de poursuivre. Le fourbe avait commencé à déposer de petits baisers sur sa peau sensible. Elle ne savait pas y résister. Il le savait très bien.

- Ok, ok, se rendit-elle en se dégageant. D’accord, je ne fais pas la tête. Mais toi, promets-moi de bien te tenir !
- Pfff, c’est pas marrant…
- Natsu… Implora-t-elle, désespérée alors lorsqu’une cloche retentissait dans le jardin, marquant les précieuses secondes qui s’échappaient et ne reviendraient pas.
- D’accord ! Accepta-t-il finalement à contrecœur devant ses grands yeux chocolat et son air de demoiselle en détresse.

Elle avait, elle aussi, des armes efficaces à sa disposition et n’avait pas peur de s’en servir. Satisfaite, la mage stellaire entraîna le dragon de feu vers les festivités.
Lorsqu’ils arrivèrent sur place, elle remarqua avec soulagement que la cérémonie n’avait pas encore débuté. Hana et Chuujou chuchotaient devant l’autel, et Yume n’était pas encore en vue. Mais ce soulagement fut de courte durée, car très vite un malaise certain se répandit dans l’assistance qui commençait à s’agiter. Lucy réalisa que les convives la pensaient partie quérir la mariée. Que se passait-il ? Normalement, Shin et Wendy se trouvaient avec elle, le premier devant l’amener à son futur mari et la seconde portant sa longue traîne blanche et fleurie. Mais un rapide coup d’œil au pied de l’escalier d’où Yume devait arriver lui apprit que la jeune chasseuse attendait, seule, l’air étonné et le regard tourné vers l’étage. Shin n’était nulle part en vue. Lucy fronça les sourcils.
Une clameur de satisfaction parcourut la foule lorsqu’une silhouette s’engagea dans les marches. Mais elle se tut presque aussitôt en la voyant courir prestement. Shin surgit et, rouge de gêne, parcourut le plus vite possible la grande allée entre les sièges, sous des regards inquisiteurs, curieux, ou inquiets. Arrivé devant Chuujou et Hana, il murmura quelques mots qu’ils furent seuls (chasseurs de dragons exceptés) à percevoir. La vieille femme ouvrit des yeux ronds et paniqués, alors que Chuujou resta quelques instants interdit, avant de lever les yeux au ciel avec un soupir. Puis il sourit.

- Je sais où elle est, entendit Natsu. Restez ici et faites patienter les invités, je vais la chercher.
- Oui, Hana-sama, faites patienter les invités, se déchargea Shin sans aucun scrupule.

Et, à l’étonnement général, le futur marié remonta l’allée et sortit du jardin en affichant un sourire qui se voulait rassurant, non pas en compagnie de sa nouvelle épouse, mais suivi de son frère qui mourait visiblement d’envie de s’enfoncer dans la terre pour échapper aux regards étonnés ou indignés d’une foule impatiente.
Interloquées, les fées qui avaient combattu à leurs côtés se regardèrent pendant un long moment. Et comme les deux hommes ne revenaient pas, ils leur emboîtèrent le pas, laissant la druidesse seule devant l’autel.

………………………………..

Elle devait se dépêcher, elle n’aurait pas dû être là. Chuujou allait être tellement furieux qu’elle le laisse en plan devant l’autel ! En fait, non. Il ne se mettrait pas en colère. Il ne s’énervait jamais contre elle. Même mieux, il comprendrait et rirait de sa propre infortune, futur époux délaissé le jour de son mariage. Elle avait bien trop de chance de l’avoir à ses côtés, et se promit de ne pas le faire attendre trop longtemps. Mais elle n’avait pas le choix, il fallait qu’elle y aille, elle le sentait au plus profond de sa chair. Pour elle-même. Parce qu’elle ne pouvait plus continuer ainsi.
La jeune femme arrêta sa course, haletante, transpirante dans sa somptueuse robe. Sa coiffure n’avait par contre pas bougé, mais elle ne s’en préoccupait pas. Il se dressait là, devant elle, majestueux, magique, inchangé, comme chaque jour depuis ces sept années. Elle s’approcha lentement, les doigts serrés sur la robe de jade. Et comme chaque jour, la mélancolie s’empara de son cœur. Elle était idiote. Que faisait-elle là ?
Elle posa son regard sur le visage endormi, encadré de quelques mèches rousses et bouclées qui brillaient sous les doux rayons du soleil. Elle leva sa main libre pour les écarter et caresser la peau de porcelaine. Elle avait pris sa décision, depuis des mois. Elle devait la lui annoncer, l’officialiser. Elle ne l’avait que trop repoussée.

- C’est le grand jour, commença-t-elle. Je te l’ai dit hier, je n’étais pas sensée venir. Tout le monde m’attend, là-bas. Chuujou est devant l’autel. Je l’ai laissé tout seul pour son propre mariage, tu te rends compte ?

Elle eut un faible rire coupable.

- Franchement, tu l’aurais cru toi ? Ajouta-t-elle. Moi non, en tout cas.

Elle marqua une pause.

- Mais je voulais te voir, parce que j’ai quelque chose à te dire, reprit-elle d’une voix ferme. Tu sais que je ne me résignerai jamais. Je croirai toujours à ton réveil. Cependant…

La jeune femme hésita.

- Je ne veux plus me contenter d’attendre, reprit-elle. Je veux vivre ma vie, m’épanouir au côté de ceux que j’aime, de ceux qui espèrent mon retour autant qu’ils espèrent le tien. Ne m’en veux pas, s’il-te-plait, mais je veux me consacrer à eux. C’est pour ça que j’ai choisi de revenir, il y a sept ans. Mais j’ai mis ma vie en pause, pour t’attendre, persuadée que cela te ferait revenir, ou que je ne pouvais pas réellement continuer sans toi. Je ne veux pas avoir à continuer sans toi, continua-t-elle avec force. Mais cette situation n’est pas saine. Ni pour moi, ni pour personne d’autre. Alors, je n’abandonne pas, et je viendrai toujours te voir, je veillerai toujours sur toi. Mais je vais vivre. Et si tu veux vivre avec moi, avec nous, alors reviens.

Yume soupira, se sentant étrangement soulagée. Elle détacha son regard du visage de Mirai, le posa sur la robe qu’elle tenait toujours de son poing serré, et sourit.

- J’ai quelque chose pour toi, reprit-elle plus gaiment. C’est mon mariage, et je veux que ma sœur ait une robe sublime. Je suis sure qu’elle t’irait comme un gant, et que tu l’adorerais ! Tu ne serais pas la seule, remarque, gloussa-t-elle. Shin serait absolument… enchanté de te voir dedans.

L’ancienne prêtresse se tourna finalement vers une branche basse, et y suspendit le vêtement par son unique bretelle.

- Voilà, je la laisse là. Je te l’ai choisie moi-même, autant qu’elle serve.

La jeune femme s’écarta et soupira.

- Il faut que j’y retourne. Ils ne pourront pas faire grand-chose sans moi, ajouta-t-elle en riant. Par chance, j’ai réussi à ne pas abimer ma robe.

Yume posa une dernière fois ses yeux sur les traits doux de Mirai et lui dit :

- Je t’aime. J’aimerais que tu sois là, mais ce n’est pas grave. Prends le temps qu’il te faut, et reviens-moi quand tu seras prête. Je t’attendrai.

La jeune femme demeura quelques instants ainsi, en silence, contemplant ce visage qu’elle connaissait par cœur. Puis, le sentiment d’urgence qui l’avait poussée à venir s’évanouit. Elle avait accompli ce qu’elle devait. Yume se détourna et repartit en direction de sa guilde.
Mais soudain…

- Je crois que je suis prête…

Dans son dos, une lumière éblouissante. Elle se figea.

…………………………………….


L’air était subitement devenu lourd, noir, menaçant, contrastant avec la bonté et la lumière dont elle peinait à se souvenir. Quelque chose l’avait empêchée de suivre sa sœur. Depuis longtemps maintenant, elle cherchait son chemin hors de cette atmosphère accablante, effrayante, mais plus elle se débattait, plus la culpabilité semblait l’emporter loin de toute issue. Elle ne pouvait que se cacher, se recroqueviller, pleurer en demandant pardon. Parfois, elle se sentait mieux. Parfois, elle avait l’impression de ne pas être seule. Parfois, elle oubliait, se laissait engloutir dans la noirceur. A chaque fois, les souvenirs revenaient et elle choisissait de se battre pour rejoindre ceux qu’elle avait fait souffrir, pour soulager leur peine. A chaque fois, le désespoir finissait par étouffer son cœur. A chaque fois, elle se perdait un peu plus. Elle se demandait combien de temps elle pourrait tenir ainsi avant de se consumer entièrement dans les ténèbres.
Entre deux accès de détresse, Mirai pensa, une fois encore, que peut-être elle ne méritait tout simplement pas cette seconde chance de réparer ses erreurs. Elle était si fatiguée. Si seulement quelqu’un pouvait l’aider, la guider. Elle n’en pouvait plus de lutter, encore et toujours, contre la tristesse, contre la résignation, contre elle-même. Elle ne le voulait pas, mais peut-être devait-elle juste se laisser submerger par l’obscurité et accepter son châtiment…

- Ben voyons ! Un châtiment ? Et puis quoi encore ! T’en as pas marre de penser des trucs aussi cons ? Allez, reprends-toi maintenant ou je te mets un bon coup de pied au cul !

Cette voix grave et bourrue ! Elle la reconnut tout de suite. Cela faisait si longtemps qu’elle ne l’avait pas entendue ! Elle sentit son cœur s’affoler, mais eut beau chercher, ne trouva pas sa provenance. Etait-il seulement réel ? Ou juste un produit de son esprit blessé et épuisé ? Il reprit, et l’agacement qui transparaissait clairement dans sa voix céda la place à un ébahissement teinté d’espoir :

- Tu m’entends ? Après tout ce temps, finalement, tu m’entends ?

Elle acquiesça vivement. Seul le silence lui répondit. Avait-elle rêvé ? Etait-elle désespérée au point d’avoir des hallucinations ?

- C’est pas trop tôt ! S’exclama-t-il enfin. Ca fait des plombes que je hurle dans le vide, ça devenait franchement casse-pied !

Il ajouta plus doucement :

- J’ai cru que tu dériverais dans le noir pour l’éternité. Je suis heureux que tu m’écoutes enfin.

Sa poitrine se serra douloureusement. Elle voulut lui répondre, lui dire qu’elle était heureuse aussi, qu’elle voulait rester avec lui. Mais elle en fut incapable. Elle ne voulait pas lui mentir. Il ne le méritait pas. Il avait déjà bien trop souffert par sa faute.

- Tu dois absolument arrêter de te blâmer ! S’exclama-t-il, autoritaire.

Son changement de ton la fit sursauter.

- Personne ne t’en veut plus que toi-même tu sais ? Reprit-il, en s’adoucissant à nouveau. Alors, s’il-te-plait, fais-moi le plaisir de te lâcher un peu la grappe, et si tu as décidé d’y retourner, accepte de vivre. Pas par amertume et culpabilité, mais pour toi… Tu souffres depuis bien trop longtemps, je ne veux plus voir ça. Et, je veux que tu t’en convainques, tu ne le mérites pas.

La jeune femme ne put réagir. Il avait visé juste. Elle avait effectivement choisi de retourner à son ancienne vie. Mais uniquement pour faire pénitence auprès de ses proches, avant de pouvoir accéder au calme éternel. Prétendre à une existence heureuse à leurs côtés ? Elle ne l’avait même pas envisagé. Et plus elle bataillait, plus elle s’épuisait, moins elle s’en ressentait digne et plus elle s’éloignait. Visiblement, les regrets et la culpabilité étaient de très mauvais guides.
Ce fut alors, qu’un autre timbre retentit, lointain et clair en même temps, semblant venir de partout et de nulle part à la fois, transperçant son être jusqu’au fond de son cœur :

« Je t’aime. J’aimerais que tu sois là, mais ce n’est pas grave. Prends le temps qu’il te faut, et reviens-moi quand tu seras prête. Je t’attendrai. »

Un rayon de lumière déchira l’obscurité, lui indiquant cette voie qu’elle avait longtemps cherchée, incapable qu’elle était de la trouver car incapable de l’accepter. Elle n’était pas certaine de le pouvoir à cet instant, mais quelque chose avait changé. Leurs voix avaient pu l’atteindre. Et finalement elle avait peut-être réellement envie de vivre, et pas uniquement pour demander pardon. Et peut-être qu’ils l’accueilleraient, sans la juger, sans la rejeter, en étant simplement heureux de son retour. Oui, après tout, peut-être qu’ils l’aimaient… Elle était idiote. Elle n’était pas sûre de grand-chose, mais leur amour pour elle, elle n’en avait jamais douté. Vraiment, son seul frein, c’était elle.

- Tu vois, ils t’attendent, là-bas…

Un irrésistible sursaut d’espoir emplit son cœur. Elle les rejoindrait. Elle retrouverait sa famille. On lui en avait donné le droit. Et si ça n’avait pas été le cas, elle l’aurait pris. Mais avant, il lui restait une dernière chose à faire. Un dernier adieu… Sans se retourner, sans même chercher à savoir s’il était vraiment là, sans détacher ses yeux embués de la lumière, elle déclara d’une voix tremblante :

- Je t’aime. Je sais que tu n’es pas et que tu n’as jamais été celui qu’il me faut, mais ça ne change rien.
- Je le sais… Répondit-il.

Elle sourit, et sentit que, peu importait oĂą il se trouvait, il faisait de mĂŞme.

- Merci, Yoru.
- Merci Ă  toi, Mirai.

Elle ferma alors les yeux, et rien qu’un instant s’autorisa à laisser de côté les regrets qui la retenaient. Ils reviendraient, elle le savait. Ils seraient ses compagnons de vie un moment encore. Cela la rassurait presque. Depuis le temps qu’ils l’accompagnaient… Mais, malgré la peur et la culpabilité, elle voulait rentrer.
La jeune femme appela à elle l’éblouissant éclat, si familier, et se laissa submerger, guider et entraîner vers les siens.

- Au revoir…
- Au revoir.

Elle entendit à peine ces derniers mots, son âme en transition entre deux monde, n’appartenant encore à aucun.

« Je crois que je suis prête. » Pensa-t-elle alors que sa conscience s’effaçait.

……………………………………

Chuujou arriva rapidement à la clairière. Elle n’était pas très loin de la guilde, heureusement. Et elle était là, face à lui, magnifique dans sa robe de mariée, qu’il n’aurait pas dû voir avant l’autel. Mais peu lui importait. Ils s’appartenaient depuis si longtemps ! Et si elle avait besoin de soutien, il accourait.

- Tu sais, il parait que ça porte malheur au couple que le marié voie la robe avant la cérémonie, lui lança-t-il, taquin. Tu avais à ce point envie que je te courre après ?

Mais il n’eut aucune réponse. Et n’en attendit aucune. Car le visage sidéré de sa promise l’avait alerté avant même qu’il eut fini sa phrase. Quelque chose n’allait pas. En réalité, quelque chose manquait. Il aurait dû être derrière elle. Mais l’arbre protégeant Mirai avait disparu. Et à sa place, une silhouette inanimée reposait sur l’herbe verte.
Shin, qui le suivait de près, se figea. Son cœur rata un battement, puis s’affola dans sa poitrine. Tous trois se dévisagèrent, puis finalement, Yume se retourna.
Et le temps se suspendit.

……………………………………

La jeune femme grimaça et plissa les yeux. La tête lui tournait, mais elle se sentait de moins en moins piégée dans son corps, prisonnière de ce boulet qu’elle aurait à traîner toute une vie durant. Elle se redressa difficilement tant ses articulations lui semblaient grippées et resta assise, regardant ses mains, bougeant ses doigts comme pour tester leur bon fonctionnement. Il lui était tout de même étrange de se trouver à nouveau incarnée, limitée. Elle se souvenait de moins en moins de son voyage de l’autre côté, les seules bribes lui restant n’étant que des images fractionnées, des émotions, des sensations. Les très lointaines liberté, joie et sérénité qu’elle avait presque oubliées. Puis, les nuages, l’obscurité, la peur, le désespoir. Encore vifs. Enfin, les retrouvailles et une décision. Difficile à prendre, mais juste et nécessaire à son évolution. Il lui avait fallu rentrer. Elle accepterait pleinement ce choix avec le temps, elle le savait. Elle finirait par être totalement soulagée. Mais à cet instant, son âme enfermée, suffoquant presque derrière les barrières de chair, malgré sa résolution et son désir sincère de s’éveiller, Mirai ne pouvait encore totalement ignorer les regrets, la culpabilité et la peine. Elle ne désirait cependant plus s’y complaire. Elle s’y était perdue trop longtemps. Mais ces images disparaissaient peu à peu de son esprit, n’y laissant qu’une arrière-pensée triste et amère. Elle s’effacerait. Après tout, elle avait choisi d’être ici.

Détachant son regard de ses phalanges engourdies, elle leva le visage et son regard rencontra deux orbes bleu clair stupéfaits. Elle eut un choc. Ces yeux, qui s’emplirent de larmes comme au ralenti, elle les connaissait par cœur. Sa vue se brouilla, faisant disparaitre les deux turquoise, et elle sentit sa respiration se bloquer. C’était sa voix qui l’avait ramenée. Encore une fois, elle l’avait sauvée.

- Yume… Murmura-t-elle la gorge serrée.
- Tu es revenue… Tu… es re…venue… balbutia cette dernière en portant ses mains à ses lèvres, ses traits s’effondrant sous l’arrivée des pleurs.

Elles clignèrent des yeux et les larmes s’écoulèrent, libérant enfin leur vision, permettant à chacune de contempler celle qu’elle craignait malgré tout ne jamais revoir.

- Tu es revenue ! S’écria Yume en se jetant dans les bras de sa jumelle. Tu es revenue… Tu es revenue… Sanglota-t-elle sans pouvoir s’arrêter.
- Je suis là, répondait la jeune femme alors qu’elles répandaient leurs larmes dans les cheveux l’une de l’autre. Je suis là, je suis rentrée…

Elles restèrent un moment ainsi, capable uniquement répéter ces mots en boucle, comme pour s’en persuader, les rendre réels, sans se séparer, sans bouger, sans même vraiment comprendre ce qui leur arrivait. Elles étaient simplement Yume et Mirai, enfin réunies.

- Bienvenue à la maison, ânonna finalement Yume, la voix déformée par les pleurs.

Chuujou finit par émerger de son ahurissement, et s’approcha lentement des deux jeunes femmes enlacées. Il s’agenouilla auprès de son amie et la dévisagea, son esprit peinant à intégrer son réveil. Elle n’avait pas changé d’un pouce. Il l’avait vue presque tous les jours pendant sept ans, mais il n’avait pas réalisé. Ils avaient vieilli. Elle non. Il leva une main tremblante et la déposa sur le sommet de sa tête, puis caressa doucement les cheveux de sa petite sœur adoptive, prenant peu à peu conscience de la réalité, de son retour. Elle lui avait fait tellement peur ! Mais elle était enfin réveillée, enfin là. Il ferma les yeux et se sentit enfin soulagé.
Mirai leva les yeux, et vit le visage souriant et baigné de larme de Chuujou. Il les enveloppa toutes les deux de ses bras larges et rassurants. La jeune femme se perdit un instant dans l’affection de sa famille enfin retrouvée.
Puis, brusquement, le jeune homme s’écarta, coinça la tête de Mirai sous son coude et… lui frotta vigoureusement le haut du crâne.

- Aïe ! Mais qu’est-ce que tu fais ?! S’indigna-t-elle en essayant de se soustraire à son aîné qui lui ébouriffait à présent vivement les cheveux alors que sa jumelle était toujours accrochée à son cou.

Elle gigotait tellement que Yume dut la lâcher et elle put enfin s’échapper.

- Mais qu’est-ce qui te prends ?! S’indigna-t-elle.

Devant son air de gamine échevelée qui le fusillait de ses yeux émeraude furibonds, il ne put s’empêcher d’éclater de rire.

- Bienvenue à la maison ! S’esclaffa-t-il.

Les deux jumelles le regardèrent, interdites. Puis, cédant en même temps à la vague écrasante du bonheur de retrouver sa sœur, à la pression qui se libérait enfin et à l’irréalité de la situation, Yume imita son fiancé et son rire cristallin retentit dans la forêt. S’abandonnant à la joie de les retrouver, Mirai finit par se joindre à eux de bon cœur.

Mais quelqu’un ne semblait pas prendre part à leur allégresse et n’avait toujours ni esquissé un geste, ni articulé la moindre syllabe. Consciente des maux qu’il avait subis par sa faute, l’ancienne fugitive arrêta de rire, imitée par sa sœur et son fiancé, conscients malgré leur joie débridée que les deux autres avaient besoin d’intimité.
Elle n’osait pas lui faire face, redoutant ce qu’elle pourrait lire dans les prunelles ocre sombre, autrefois emplie d’amour et d’admiration à son égard. Mais elle ne pouvait l’ignorer et devait prendre ses responsabilités, même s’il la rejetait. Elle lui devait bien ça.
Mirai regarda Shin. Les yeux écarquillés du jeune homme, ses lèvres mi-closes et sa posture rigide ne lui donnèrent aucune indication sur ses sentiments à son égard. Il ne semblait pas hostile, c’était déjà un bon point, non ? Mais il n’explosait pas de joie non plus… Comment aurait-elle pu l’en blâmer ?
La jeune femme prit une inspiration avant de se lancer :

- Shin, je…
- Tu es… Commença-t-il au même moment.

La rousse s’interrompit pour le laisser parler, mais il ne semblait pas vouloir, ou pouvoir, poursuivre.

- Oui ? Souffla-t-elle pour l’encourager.

Le jeune homme dardait toujours sur elle son regard, précédemment impénétrable, à présent désorienté. Il cligna des yeux et finit par retrouver l’usage de la parole, alors que le cœur battant de Mirai semblait vouloir s’échapper de sa poitrine.

- Complètement décoiffée… Termina-t-il d’un air absent.

La jeune femme le regarda un moment sans réagir, hébétée. Puis elle porta une main distraite au fouillis de sa chevelure cuivrée, remarquant vaguement qu’effectivement, une pagaille générale semblait régner la haut. Elle le gratifia alors de sa meilleure réplique, tirée de sa célèbre et cinglante répartie :

- Hein ?

Chuujou et Yume, qui n’avaient osé intervenir jusque là, de peur de museler l’expression nécessaire des ressentis et l’expansion des émotions, échangèrent un regard rieur. Le blond leva les yeux au ciel, tandis que la rousse se mordait la lèvre pour contenir son hilarité, toujours en proie à l’exaltation des retrouvailles. Ce fut peine perdue, et bientôt elle ne put se retenir de pouffer, puis d’éclater à nouveau ouvertement de rire lorsque son fiancé craqua à son tour.
Le bruit eut le mérite de tirer les deux ahuris de leur sidération. Mirai se sentit rougir, alors que Shin ouvrait et fermait la bouche, sans parvenir à donner voix aux trop nombreux sentiments qui se bousculaient dans sa tête. Il voulait lui dire, mais il ne savait plus, et les mots ne venaient pas, alors il se redressa tel un ressort, et bafouilla :

- Je vais prévenir les autres que… parce qu’ils attendent… et tout va bien, alors… je dois y aller !

Il gicla hors de la clairière comme si sa vie en dépendait et disparut de leur champ de vision en une vitesse record.
Les trois autres restèrent abasourdis. Puis, les coins des lèvres de Yume s’étirèrent à nouveau lorsqu’elle pouffa :

- Et bien, quelle réaction !
- Oui, répondit Chuujou, mon petit frère égal à lui-même. Rapide comme le vent !

Mirai contemplait l’orée des arbres à l’endroit où Shin avait disparu, le regard profondément désolé. Yume posa une main sur l’épaule de sa sœur.

- Ne t’inquiète pas, lui dit-elle gentiment. Il finira par s’en remettre, et nous retrouverons notre Shin dans toute sa splendeur !
- Hm… Répondit la jeune femme attristée avant de se tourner vers sa jumelle.

Elle observa quelques secondes son visage marqués des stries noires que ses larmes avaient répandues sur ses joues, et derrière les trainées de maquillage perçut un changement. Elle s’exclama :

- Mais, tu as vieilli ! Que s’est-il passé ?

Avant que la concernée n’ait pu répondre et se fendre d’une explication bien trop longue pour ces heureux moments de retrouvailles, Natsu sortit d’un fourré et se précipita vers elles pour dévisager et renifler Mirai sous toutes les coutures, faire de même avec Yume, puis revenir à la première, en poussant des exclamations de surprise.

- Whooa, c’est dingue ! Vous avez exactement le même visage ! S’exclama-t-il, son nez à quelques centimètres de celui de la rousse aux yeux verts. Sauf qu’elle est plus vieille, maintenant, fit-il en pointant l’ancienne prêtresse.
- Mais, qu’est-ce que… ?! S’insurgea la rousse aux yeux verts en reculant de quelques pas, alors que sa jumelle arborait un sourire mi-amusé mi-blasé.

Elle était s’était à nouveau habituée aux fantaisies des mages de Fairy Tail, après les journées de préparatifs passées ensemble.

- La même voix aussi ! Et quasiment la même odeur ! C’est fou !
- Na-Natsu-san… Bafouilla Wendy, en apparaissant à son tour de derrière le buisson, un peu gênée du comportement de son compère dragon.
- Mais qu’est-ce que tu fiche, espèce d’andouille ! S’écria une Lucy rouge de honte et les yeux exorbités, en se jetant sur le jeune homme pour l’éloigner des deux sœurs en s’excusant platement alors que les autres sortaient également de leur cachette, et qu’Erza philosophait sur « l’importance et la beauté de l’instinct primal des bêtes sacrées, à la base sauvages, qu’étaient les dragons ».
- Abruti, t’as jamais vu des jumelles ou quoi ? Se moqua Gray alors que Natsu se frottait le crâne au son d’un « bah quoi ? », à la suite du magistral coup sur la tête administré par sa petite amie.
- Ah, parce que Gray-sama s’y connait beaucoup, en odeurs de jumelles ? Demanda aimablement Juvia, avec un grand sourire… quelque peu terrifiant.

Remarquant le –sama, qui revenait surtout dans les moments de colère, Gray leva les mains en signe de déni et balbutia :

- Quoi ? Mais… Mais non… Mais… C’est pas du tout ce que je voulais dire !
- Et voilà, soupira Sharuru, c’est encore n’importe quoi !
- Aye !

Mirai resta abasourdie en contemplant l’étrange tableau que composaient les indomptables mages vus en rêve, et qui venaient le plus calmement du monde d’apparaître de derrière un bosquet : le féroce dragon de feu se tassant d’effroi sous les aboiements de la délicate constellationniste, pendant que l’insondable femme de l’océan terrorisait le fier Ice maker, la terrible Titania perdue dans ses extravagantes affabulations, le tout sous les envolées joyeuses d’un Exceed survolté et les soupirs d’un autre, blasé, perché sur l’épaule d’une Wendy qui tentait vainement de ramener l’attention de ses camarades vers elles.

- Euh… Tenta la jeune femme sans trop savoir comment réagir.
- Laisse-tomber, la coupa une Yume amusée en venant à son secours. Ils ne t’écoutent plus du tout.

A peine avait-elle fini sa phrase qu’Erza sortit de son monologue et s’approcha en arborant un sourire aimable et respectueux, comme si tout cela était parfaitement normal. Comme si Mirai avait parfaitement compris qu’ils avaient été présent tout ce temps et s’étaient caché derrière des fourrés pour laisser leurs amis de Dreaming Light profiter de leurs retrouvaille dans l’intimité. Elle se planta devant la jeune femme et lui tendit une main que la rousse serra par réflexe, et la salua enfin :

- Bonjour, je suis Erza Scarlett de Fairy Tail. Je suis enchantée de vous rencontrer. Voici mes amis…

Elle se retourna et sa voix mourut dans sa gorge devant le spectacle désolant offert par lesdits amis. Résistant à l’envie de leur mettre un bon coup sur le crâne pour leur dissipation dans ce moment solennel et émouvant, elle décida de prendre les choses en main.

- Bien ! lança-t-elle d’une voix forte en frappant dans ses mains. Gray, Natsu ! Allez assister Shin et prévenir l’assistance ainsi que Hana-san que la cérémonie aura un peu de retard ! Lucy, Juvia, Wendy, je vous charge de ramener une parure assortie à la robe de Mirai et de quoi les maquiller ! Happy, Sharuru, trouvez-nous un peigne et des pinces. Moi, je m’occupe des fleurs. Nous avons une nouvelle demoiselle d’honneur de tout premier ordre. Allez, allez ! Plus vite que ça !

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Comme Lucy l’avait imaginé, le mariage, bien que grandement retardé, fut grandiose. Quelques explications avaient été nécessaires à la nouvelle venue qui avait bien du mal à accepter que sept années s’étaient écoulées. A leur étonnement autant qu’à leur soulagement, l’annonce de la mort de son père fut la seule chose qui ne la surprit pas. Elle ne souhaita pas s’y étendre et tous respectèrent son choix.

A l’apparition de Mirai, les invités, dont la plupart étaient des mages de Dreaming Light, furent totalement estomaqués et il y eut un grand silence. Puis, quelques murmurent se firent entendre, suivis d’une clameur grandissante, et bientôt, une explosion de joie si intense que l’on pouvait certainement l’entendre dans tout Fiore retentit. Il fut relativement long de calmer tout le monde, et Erza dut faire montre de son autorité naturelle plus d’une fois pour calmer les plus excités.
Puis, Yume et Chuujou purent enfin échanger leurs vœux d’amour éternel, et la foule se tint dans un silence ému avant de partir dans de tonitruantes félicitations. La constellationniste versa quelques larmes lors du traditionnel baiser. Elle constata avec ahurissement les seaux d’eau s’échappant des yeux de l’effroyable Titania, alors que Juvia pressait Gray de son regard insistant, attendant très probablement que le mage de glace lui fasse sa demande. Celui-ci faisait de son mieux pour l’ignorer. Un exploit, considérant que la femme de la pluie tenait son visage rempli d’espoir à deux centimètres du sien. La blonde pouffa discrètement et pensa que finalement, son couple était probablement le plus normal des deux. Ce fut cet instant que Natsu choisit pour sortir une cuisse de poulet de sa poche et se mettre à la mâchouiller en prenant part à l’ovation générale pour les mariés.
Après les vœux, Yume se tourna dos aux invités, et tendit son bouquet vers le haut. Toutes les femmes de l’assistance comprirent le message et se pressèrent pour être aux premières loges dans un tohubohu infernal. Les hommes reculèrent plus prudemment que bravement devant l’afflux massif d’œstrogènes, et pour une fois, les célibataires par défaut pensèrent que peut-être, le statut d’homme en couple n’était pas si enviable que cela. La mariée compta jusqu’à trois lança l’objet tant convoité haut dans le ciel, où il décrivit une courbe parfaite avant de redescendre avec une lenteur exaspérante, et retomber… droit dans les mains de Mirai. Celle-ci, à l’écart de l’attroupement, l’observa un moment sans trop comprendre, puis à la vision des mines déconfites et dégoûtées de ses concurrentes, éclata de rire en levant le bouquet à bout de bras. Yume se joignit à elle et Chuujou frappa haut la main d’un Shin rougissant.
Ils mangèrent, rirent et dansèrent toute la nuit, Yume, Chuujou, Shin et Mirai totalement inséparables. Cette dernière semblait parfois un peu déboussolée, d’autant plus que presque tous les visages qu’elle connaissait avaient vieilli d’un seul coup, mais son sourire ne se fana pas de la soirée.

Quelques jours passèrent, pendant lesquels Fairy Tail s’invita éhontément à rester à Dreaming Light, pour le bonheur de leurs hôtes. Lucy, Juvia et Erza en profitèrent pour faire un peu mieux connaissance avec Mirai et la rassurer. Elles aussi étaient restées figées pendant sept ans et avaient eu du mal à s’acclimater à leur nouvelle époque. En bavardant avec la jeune femme, elles apprirent une information très intéressante : elle était bel et bien responsable de leur empoisonnement à la guilde de Fairy Tail, lorsqu’ils avaient tous agi si étrangement. Elle leur révéla que ce poison était simplement destiné à détourner leur attention et les empêcher de l’attaquer pendant qu’elle enlevait Wendy. A ces mots, elle se confondit en excuse auprès d’elles toutes et plus spécifiquement du jeune dragon qui se confondit en propos rassurant. La scène aurait pu durer toute la journée si Juvia ne les avait pas interrompues en demandant la nature et surtout les effets exacts de la toxine. Lucy bondit presque de joie en entendant qu’il s’agissait, comme Erza l’avait deviné, de faire ressortir leurs sentiments refoulés. Ca n’était pas une substance dangereuse, Mirai n’avait pas voulu leur faire de mal, et elle disposait à présent d’un atout redoutable contre le Dragon Slayer d’acier lorsqu’il lui reprendrait l’envie de l’habiller en bunny girl ! Et elle pourrait titiller Levy sans aucun risque de représailles ! Non, vraiment, cette journée était excellente !
Gray n’était pas du même avis. Au détour d’une conversation rappelant leur mission contre Dark Holders, à présent démantelée et dont la plupart des mages se trouvaient derrière les barreaux, Natsu eut comme une illumination. Il se leva et pointa le doigt vers le mage de glace en s’exclamant :

- Ah ! J’ai oublié le pari !

Puis, il s’exclama avec un sourire carnassier qui n’augurait rien de bon :

- Tu dois m’obéir pendant une semaine, bouffeur de glaçon !

Le suscité voulut protester, mais, se souvenant des circonstances de la perte du pari en question, il s’empourpra et fut incapable de répliquer, concédant ainsi sa victoire au Salamander. Cela rappela à Lucy qu’elle n’avait toujours pas élucidé le mystère entourant cette fameuse nuit où Gray et Juvia s’étaient retrouvés seuls dans la forêt surplombant leur cachette d’alors. Elle adressa à son tour un regard inquisiteur, puis un sourire moqueur au brun, qui se renfrogna. Décidément, ce n’était pas son jour !

Mirai parut heureuse de leur attention, et la veille de leur départ, les serra tous chaleureusement dans ses bras, ainsi que Chuujou, Shin, et Yume. Puis, fatiguée, elle monta dans sa chambre, non sans avoir échangé un bref mais intense regard avec sa sœur que personne d’autre ne remarqua.

…………………………………..

Une ombre se faufilait dans les couloirs du temple. Un long manteau sombre dissimulait sa silhouette fine se mouvant avec agilité, sans bruit. Elle devait faire vite, avant qu’on ne la surprenne. Quand ils découvriraient sa fuite, elle devait être loin.
Ce fut avec un immense soulagement qu’elle atteignit la petite porte qui donnait sur la forêt, à l’arrière de l’immense bâtisse. Elle l’ouvrit en silence et s’élança dans la nuit noire. Mais ce n’était pas terminé, on pouvait encore la voir courir sur l’herbe humide par les fenêtres. Elle ne serait vraiment à l’abri que sous le couvert des arbres. Elle s’y sentirait mieux. Chez elle. Ce qui était assez ironique, sachant qu’elle quittait son foyer à peine retrouvé.
En atteignant l’orée sylvestre, elle poussa un soupir de soulagement. En même temps, son cœur se serra. Une grande part d’elle-même ne voulait pas s’en aller. Malheureusement, elle en avait bien trop besoin.
L’ombre jeta un dernier regard vers la guilde où dormaient tous ceux qu’elle aimait, puis se détourna, prête à partir.

- Où tu vas, Mirai ? L’interpella une voix.

La mage de la nature sursauta. Un jeune homme, de quelques années son aîné à présent, se laissa tomber d’une branche d’arbre, juste devant elle. Ou plutôt, il plana jusqu’au sol. La rousse enleva sa capuche, révélant son visage au clair de lune. Deux minuscules larmes mouraient au coin de ses lèvres, traçant un léger sillon sur la peau pâle de ses joues. Elle les essuya prestement, priant pour que son interlocuteur ne les ait pas vues. Si c’était le cas, il eut la délicatesse de ne pas le montrer. Elle soupira légèrement, et réprima un sourire triste.

- Qu’est-ce que tu fiches ici, Shin ?
- Je savais bien que tu étais bizarre, ce soir. Et puis, ta spécialité, c’est la porte de derrière.
- Tu me connais trop bien, c’est assez agaçant, répondit Mirai en soupirant de nouveau. Qu’est-ce que tu vas faire ? Me retenir ? reprit-elle.
- Je peux au moins essayer, même si avec une tête brûlée comme toi, c’est peine perdue.
- Je ne pense pas être la pire tête brûlée de la guilde… ajouta-t-elle avec un petit sourire.
- Merci du compliment.

Les deux amis se regardèrent longuement, chacun testant la détermination de l’autre. Puis, Shin brisa le silence.

- Tu veux vraiment partir ? On vient à peine de te retrouver et…
- Je ne peux pas rester, le coupa-t-elle. Je ne peux pas… Vous avez eu le temps de faire votre deuil, d’accepter… pas moi. Je suis vraiment heureuse d’être revenue, et j’ai pris sur moi pour le mariage de Yume et Chuujou. Mais maintenant, j’ai besoin d’une pause. Après tout ce qu’il s’est passé, ce que j’ai fait, ce que j’ai perdu…, je…
- Justement ! L’interrompit-il à son tour. Tu as besoin de ta famille, de tes amis ! C’est à ça que ça sert, à te soutenir dans les moments difficiles !
- Je ne peux pas supporter les éclats de rire et les visages heureux des membres de la guilde, répondit-elle. J’ai besoin de pleurer ce qui m’était cher, seule, en paix. Et puis, ajouta-t-elle après une hésitation, je n’ai pas la force d’affronter leurs regards maintenant. J’ai besoin de temps.
- Ils t’ont pardonné tu sais, ils savent que tu les as sauvés.

La rousse ne répondit pas et Shin comprit que le cœur de problème n’était pas que là. Ils avaient effectivement eu sept années pour adoucir leur peine. Elle non. Elle n’avait que de vagues souvenirs de cette période passée entre deux mondes, la plupart déchirants. Mais les événements précédant son coma étaient toujours vifs et cuisants.

- Tu l’aimais vraiment, hein… reprit-il, une pointe de mélancolie dans la voix. Je suis vraiment désolé, j’aurais tellement voulu être capable de plus. A ce moment là… Si j’avais su ce qu’il ferait, je…
- Je suis heureuse que tu sois vivant, Shin, le coupa son amie doucement.

Comme il lut dans les yeux de la jeune femme toute la douleur et la culpabilité que leur conversation provoquait, il changea de sujet et tenta un nouvel angle d’attaque :

- Le monde n’est plus le même qu’il y a sept ans, tu sais ? Tu risques d’être déboussolée, seule, dehors. Si tu restais ici, tu aurais le temps de t’adapter en douceur…
- Avec vos têtes de vieux sous le nez tous les jours ? Rit Mirai. C’est sûr que ça, ce n’’est pas déboussolant !
- D’accord, mais je viens avec toi ! S’exclama finalement Shin. Je ne vais pas te regarder t’enfuir encore une fois ! Tout ce que tu vas faire, c’est souffrir dans ton coin, et tu finiras par faire n’importe quoi !

Mirai souffla d’exaspération. Malgré les années, il n’avait pas changé. Au moins un repère auquel elle aurait pu s’accrocher…

- Shin ! Tu ne comprends pas ? Je veux être seule ! Rétorqua-t-elle, à bout de patience. S’il-te-plait… Je ne vais pas refaire les mêmes erreurs, je te le promets. Je vais juste voyager, pour réfléchir, et voir autre chose. Je n’ai toujours connu que la guilde…
- Et après ?
- Après ? Je ne sais pas…

Ce fut au tour de Shin de soupirer.

- Tu es vraiment décidée, n’est-ce pas ?

La mage de la nature ne répondit pas.

- Après tout, vous incarnez les deux facettes d’une même entité, Yume et toi, poursuivit-il pensivement. Chaleureuse, accueillante et rassurante d’un côté, sauvage, indomptable et sans limite de l’autre.

Mirai regarda son ami avec des yeux ronds. Depuis quand émettait-il ce genre de pensées profondes ? Il avait peut-être réellement muri finalement.

- Qu’est-ce que tu peux raconter comme bêtises par moment ! Se moqua-t-elle gentiment.
- T’as raison ! Répondit-il en riant doucement.

Il y eut un court silence, troublé seulement par la légère brise nocturne faisant bruisser les feuilles des arbres.

- Est-ce que tu reviendras ? Demanda finalement le jeune homme.
- Je pense, oui. Quand je serai prĂŞte. Et Ă  ce moment lĂ , je vous laisserai me soutenir autant que vous le voulez !
- Est-ce que tu me reviendras ? Continua le jeune homme en regardant Mirai droit dans les yeux.
- Shin… Je, euh… Je ne sais pas, je… je te l’ai dit, j’ai besoin de temps, bredouilla la rousse, troublée par le regard pénétrant de son ami.

Celui-ci rompit le contact visuel, tout en se frottant l’arrière du crâne.

- Bah, « Je ne sais pas », c’est mieux que « non »… Je suppose que je m’en contenterai… Pour l’instant ! Répondit-il dans un sourire.

Ca, c’était bien mieux ! Pensa Mirai. Cet air innocent de gamin lui rappelait bien plus le Shin sortant de l’adolescence qu’elle avait quitté et lui correspondait tellement plus que l’air sérieux qu’il arborait depuis le début de la discussion.

- Ne m’attends pas, lui dit-elle en se remettant en route.
- Je fais ce que je veux ! Répondit-il alors qu’elle passait à sa hauteur.
- Comme toujours… murmura-t-elle dans un souffle.

Et Mirai se fondit dans l’obscurité. Shin ne la suivit pas et regagna le manoir, rêvant déjà au jour où la femme qu’il aimait reviendrait, et à la manière dont il s’y prendrait par la faire sienne. Il l’avait déjà attendue sept ans, il n’avait pas peur d’attendre encore.

Tout en courant à travers les arbres, Mirai se perdit dans ses pensées. Son tout dernier rêve lui revenait en mémoire. Celui que lui avait accordé la première prêtresse, avant qu’elle ne perde ses pouvoirs de liseuse pour de bon. Une scène étrange, qui l’avait réconfortée et soutenue lors de son errance bien plus qu’elle ne pouvait présentement l’accepter. Un futur incertain et vacillant, qui n’était guère assuré de voir le jour.

Quatre enfants, couraient et s’amusaient dans les jardins du temple de Dreaming Light, plus majestueux que jamais. Quatre enfants, dont deux avaient retenu son attention. Ils avaient ses cheveux dorés à lui, et ses yeux émeraude à elle. Leurs traits ne laissaient pas de doute quant à l’identité de leurs parents…

Ce n’était qu’une possibilité parmi tant d’autre. Mais c’était loin d’être la pire. Il fallait juste qu’elle ait le temps de faire son deuil, d’enterrer ses anciens sentiments pour laisser de nouveaux fleurir. Mais pour cela, elle devait s’éloigner quelques temps.
Shin pouvait la rendre heureuse, elle le savait. Elle l’avait toujours su. Et elle saurait faire son bonheur.
Sur ces pensées aussi douloureuses que rassurantes, Mirai s’enfonça dans la nuit.

…………………………………….

Depuis l’une des fenêtres du manoir, une paire d’yeux saphir regardait l’endroit où la jeune femme venait de disparaître. Leur propriétaire soupira tristement.

- Tu ne la retiens pas ? Demanda une voix masculine, derrière elle.
- Pourquoi faire ? Elle est si têtue… Et je crois que je la comprends un peu…
- Elle ne t’a même pas dit au revoir ! Après tout ce qu’il s’est passé…
- Si, elle l’a fait…

La jeune femme repensa à la lueur des yeux de sa sœur quand elle s’était tournée vers elle à la fin de la soirée, alors que tous se dirigeaient vers leur chambre pour y plonger dans un sommeil profond et heureux, et pour certain, sérieusement aviné. Comme si rien n’avait changé, elles se comprenaient toujours d’un simple regard.

Le silence s’installa dans la pièce. Son mari passa ses bras autour de la taille de la rousse et enfouit son visage au creux de son cou. C’était sa manière de lui dire sans mots à quel point il était heureux qu’elle fût là.
La jeune femme passa sa main dans les cheveux de son compagnon et tourna la tête pour déposer un baiser sur son front. Elle aussi, était heureuse de pouvoir rester à ses côtés.
Puis, elle laissa à nouveau son regard se perdre dans l’obscurité de la nuit.

- Elle reviendra, ajouta le blond, se voulant rassurant.
- Je sais, répondit la jeune femme pensivement.

Chuujou hésita un moment, ne sachant comment prendre cette dernière affirmation.

- Qu’est-ce que tu veux dire ? Demanda-t-il finalement. Est-ce que tu rêves à nou…

Yume se tourna vers lui et posa son doigt sur ses lèvres, désireuse de couper court à cette conversation, ayant autre chose en tête. Elle le regarda d’un air entendu. Surpris, il ne réagit d’abord pas quand elle l’embrassa tendrement. Mais il se reprit bien vite et enlaça la jeune femme, oubliant déjà l’objet de leur conversation. Après tout, il était loin de considérer qu’ils avaient assez célébré leur récente noce…
Yume sourit. Rêvait-elle à nouveau ? Non. Mais elle avait confiance. Cela lui avait plutôt bien réussi jusque là, non ?

……………………………………..


- YO LES NAZES ! ON EST RENTRES !!

La douce et mélodieuse voix de Natsu retentit dans la guilde déjà animée, alors qu’il ouvrait violemment la porte d’entrée d’un grand coup de pied.

- C’est qui que tu traites naze ?! S’indignèrent quelques mages alors que d’autres ne lui prêtaient déjà plus attention.
- Gray ! Va me chercher à bouffer ! S’exclama le Salamander, ignorant copieusement ses camarades et arborant un sourire triomphant.

A cette annonce, tous tournèrent des yeux exorbités vers les nouveaux arrivants et le silence se fit. Qu’est-ce qu’il pouvait bien lui prendre ?! A coup sûr, cela annonçait une nouvelle bagarre générale, alors que la moitié de l’équipe n’avait même pas encore posé le pied dans la guilde ! Lorsqu’ils virent ce qui suivit, la mâchoire des membres de Fairy Tail se décrocha et heurta violemment le sol. Le mage de glace s’exécutait. Il ronchonna un peu pour la forme, mais se dirigea vers la cuisine. Le silence pesant le poursuivit jusqu’à ce qu’il en passe la porte. Puis tous les regards se braquèrent sur Natsu et son sourire réjoui, glissèrent sur le visage atterré de la constellationniste qui les suivaient et s’arrêtèrent sur les traits mortifiés de la mage de l’eau.
Le silence fut finalement perturbé par Mirajane :

- Bonjour Ă  vous, vous avez fait bon voyage ?

Comme si de rien n’était, Erza s’installa au bar et entama la conversation avec sa tenancière, suivie de Wendy et des Exceeds. Happy cachait mal son fou rire, et lorsque Roméo demanda « Mais, il a perdu un pari ou quoi ? », le chat bleu s’esclaffa en voletant au dessus des têtes :

- Oui ! C’est exactement ça ! Gray a perdu un pari avec Natsu ! Ha Ha Ha Ha ! Il doit obéir à tous ses ordres pendant une semaine !

Ce fut ce moment que le mage de glace, maussade, choisit pour revenir en apportant une assiette débordant de viandes rôties en tous genres et marmottant contre ce stupide mot de passe qu’il n’aurait jamais dû oublier à Dreaming Light, et contre la mémoire chaotique de Natsu. Voyant le visage de son bien-aimé assombri par la mauvaise humeur et la disgrâce dont elle se tenait pour responsable (après tout, c’était en la suivant dehors qu’il avait perdu ce pari et s’était retrouvé dans cette situation), Juvia craqua.

- Gray-sama ! Brailla-t-elle en se jetant aux pieds de ce dernier. Juvia est tellement désolée ! Tout cela est de la faute de Juvia ! Juvia ne se le pardonnera jamais ! Gray-samaaaaaa !

Mais Gray n’avait pas prévu cet obstacle sur son chemin. Sans pouvoir ralentir, il fonça droit sur la mage de l’eau prosternée et… Ce qui devait arriver arriva. Alors qu’il trébuchait sur son corps, le brun vit avec horreur les côtes de bœuf, cuisses de dinde et autres rosbifs s’envoler gracieusement et décrire un parfait vol plané pour atterrir… directement sur le visage d’Erza.
Un grand silence régna à nouveau dans l’auberge.
Titania descendit de son tabouret de bar et tous retinrent leur souffle. Son imposante présence sembla emplir tout l’espace de la petite salle, ses traits furibonds et dégoulinants de sauce en firent déglutir plus d’un.
Natsu éclata de rire, semblant oublier qu’Erza n’était pas soumise au pari et qu’il ne disposait d’aucune immunité. Lucy porta la main à son front, fatiguée à l’avance, alors que Gray et Juvia se décomposaient à mesure qu’ils intégraient la portée de leur maladresse. La reine des fées perdit le contrôle.

- JE VAIS TOUS VOUS MASSACRER !!!

L’enfer s’ouvrit sur la Terre.

Cachée derrière le bar en compagnie d’une Mirajane tout sourire et la chevelure parsemée de sauce brune, Lucy soupira alors qu’une chaise s’écrasait sur le mur juste derrière elles. En définitive, rien n’avait vraiment changé, à Fairy Tail. La jeune fille sourit. N’était-ce pas mieux ainsi ?

…………………………….


L’ombre s’est évanouie. Une autre s’éveillera et menacera à nouveau. Car là où la lumière demeure, les ténèbres l’accompagnent.
Mais ne laisse pas la peur obscurcir ton cœur. Car si tu nourris la force de croire, la force de protéger, la force d’aimer, tu vaincras la nuit.

N’oublie jamais, rien n’est déjà joué, rien n’est écrit à l’avance. Alors, quoi qu’il arrive, n’abandonne pas, continue de te battre et garde espoir. Car le futur t’appartient.



FIN