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Manga / Anime

Fairy Tail

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Les nouvelles aventures de Fairy Tail : la princesse au bois rĂŞvant

Usagi-chan

Résumé : Le futur est-il vraiment déjà écrit, et notre destin tout tracé ? Nous, on n’y croit pas une seule seconde ! Nous sommes des mages de Fairy Tail, et notre avenir, il n’y a que nous qui puissions en décider ! Si tu n’aimes pas ce que tu vois, alors lève-toi et bats-toi pour que demain existe !

Disclaimer : La plupart des personnages ainsi que l'univers appartiennent Ă  Hiro Mashima. Les personnages qui ne font pas partie de Fairy Tail sont Ă  moi.

CHAPITRE 25 : La fin d’une guerre … Merci à vous tous !

Dans les ténèbres de la nuit, une immense colonne de lumière d’un blanc doré bienveillant embrasa les restes d’un manoir dévasté, théâtre d’une sombre bataille entre le bien et le mal, et s’éleva jusqu’aux cieux, illuminant forêts, plaines et villages sur plusieurs lieues. Puis elle s’éteignit doucement jusqu’à n’être plus qu’un fin rayon lumineux se dissipant comme un rêve, laissant la place à un champ de ruines baigné d’un silence de mort. A l’est, une lueur brilla faiblement, levant peu à peu le voile sur les vestiges d’une guerre enfin achevée.

Elles flottaient au beau milieu d’un océan cotonneux, dérivant lentement au creux des vagues indolentes qui les portaient doucement vers leur demeure d’éternité. Plus de peine, de douleur, de peur. Elles étaient transportées, bercées dans l’amour et la sécurité, oublieuse de l’impatience qui aurait pu être leur, face à l’attente de cette promesse de joie et de calme infinis. Le cœur réjoui, elles rentraient chez elles. Leurs âmes s’étiraient, s’étiolaient, s’enchevêtraient au point de se perdre, se mêlant dans un ballet paisible et heureux. Une présence bienfaisante les enveloppa, et elles s’y blottirent, apaisées, soulagées par cette douce et intime étreinte, telle le sein rassurant de leurs parents après un bien trop long cauchemar. Elles étaient enfin à la maison…

……………………………………

« A ma très chère mère au paradis,

Aujourd’hui est un jour très spécial, et pour une fois, je ne t’écris pas de ma chambre. J’étais si excitée qu’hier soir que je n’arrivais pas à dormir, si tu m’avais vue, je ne tenais plus en place ! Ca n’a pas dérangé Natsu, qui lui, a ronflé toute la nuit. Mais, ça ne m’a pas empêchée de me réveiller très tôt ce matin et comme j’ai un peu de temps devant moi, j’en profite pour te donner quelques nouvelles.
Cela fait déjà six mois depuis le combat avec Dreaming Light contre Dark Holders et la vie a repris son cours. En fait non, plus de sept années ont passé et je n’arrive toujours pas à m’y faire ! Mais c’est une autre histoire.
Ca n’a pas été facile, la bataille a été rude, et je crois qu’elle nous a tous un peu brisés quelque part… Mais aujourd’hui, une page se tourne et je crois avoir besoin de faire le bilan de tout ça. Mais pour commencer, je voudrais te raconter un événement en particulier ! En réalité, tu sais déjà ce que je vais te dire, mais je ne t’ai jamais raconté comment c’est arrivé. Tu vas voir, c’est du Natsu…, non, du Fairy Tail tout craché !... »

Lucy baignait dans la sérénité. Elle entendait le chant des oiseaux, le vent dans les arbres, prenait conscience du soleil sur sa peau. Une douce chaleur l’enveloppait, comme lorsqu’elle lézardait sous la lueur de l’astre du jour en fin de printemps. Elle se sentait si bien, elle aurait voulu ne jamais bouger, ne jamais se réveiller. Mais…

- Elle reprend conscience, entendit-elle une voix féminine murmurer, loin, très loin d’elle. Je vais prévenir les autres.
- Ok Erza, je reste avec elle.

Ce bref échange finit de la sortir de l’inconscience. Elle ouvrit les yeux, ne distingua tout d’abord rien, éblouie par la lumière. Puis sa vue s’habitua, et elle vit ce visage qu’elle aimait tant penché au-dessus d’elle et son cœur rata un battement. Il avait l’air si soulagé ! Qu’est-ce qui avait bien pu tant l’inquiéter ?

- Natsu ?
- Oh Lucy ! Tu m’as fichu une de ces trouilles !

La jeune femme, réalisant qu’elle était allongée, tenta de se redresser. Ouille ! Son corps se rappela à son bon souvenir. Elle avait mal partout.

- Tu ne te réveillais pas, continuait son ami. Malgré les tentatives de Wendy pour te guérir, tu avais utilisé trop de magie. Je crois qu’on … a bien failli te perdre.

La perdre ? La jeune fille commença alors seulement à se souvenir. Yume, Mirai, Kyouaku… Les démons terrifiants, la porte à refermer. La lumière éblouissante et rassurante qui les avait engloutis… Puis plus rien, le noir total.

- On a réussi ? demanda-t-elle faiblement.
- Ouaip ! Lui répondit-il en lui décochant ce sourire qui lui faisait perdre la tête.

Mais elle en avait besoin, de sa tête ! Elle était déjà loin de se sentir au plus fort de ses capacités cognitives, alors elle tenta d’ignorer son cœur qui s’emballait, et de réfléchir plus clairement.

- J’ai… dormi combien de temps ?
- Je sais pas trop, on a tous été dans le coltard un bon moment je crois. Je me suis réveillé hier, et j’ai attendu ici que tu te réveilles aussi. C’était le jour le plus long de ma vie !
- Oh … Tout le monde va bien ? S’inquiéta-t-elle soudain en cherchant ses amis du regard, non sans noter au passage que le Salamander avait passé une journée entière à son chevet...

Mais ils étaient seuls dans la pièce.

- T’inquiète, ils sont tous en pleine forme. Enfin presque. Ils sont crevés, mais en vie, quoi. Erza est partie leur annoncer que tu étais revenue à toi.

A ces mots, Lucy fit la moue. Comme ça, elle était restée inconsciente le plus longtemps ? Elle se consola en se disant que de toutes façons, tous les mages de Fairy Tail étaient des monstres, elle n’y pouvait rien si elle n’était qu’un être humain normal ! Et, avec l’éveil de ses nouveaux pouvoirs et ses tentatives de fermer une porte donnant sur une dimension démoniaque, son corps avait été soumis à rude épreuve. Il lui fallait du temps pour récupérer. Ca n’était pas de sa faute.
Natsu n’avait pas remarqué le changement d’humeur de son amie et continuait sur sa lancée.

- J’avais les yeux à peine ouverts que cet idiot de Gray a commencé à me prendre la tête. Il prétendait qu’il s’était réveillé avant moi, alors que ça faisait au moins dix secondes que je le regardais baver dans son sommeil ! Je l’ai pas frappé uniquement parce que j’ai eu pitié de lui, il avait l’air si mal en point !

Lucy eut l’impression d’entendre un son étouffé de l’autre côté de la porte, alors elle tendit l’oreille, mais il n’y eut plus rien. Elle avait dû rêver. Elle sourit de soulagement. Ses amis étaient en vie. D’une manière ou d’une autre, et comme d’habitude, Fairy Tail s’en était tirée !

- Enfin bon, poursuivait Natsu, Wendy s’est occupé de tout le monde, ils vont bien. Et toi aussi. Tu ne peux pas savoir à quel point je suis soulagé que tu te sois réveillée ! Je sais vraiment pas ce que j’aurais fait si tu… enfin, si tu… voilà quoi…

Lucy le regarda d’un air étonné. Ce n’était pas vraiment le genre de Natsu de bafouiller. Il était en général très direct et disait ce qu’il voulait. Même si ça n’avait aucun sens. Ce qui était très souvent le cas. Mais le Natsu qu’elle avait devant elle baissait la tête et évitait son regard. Tiens, ça n’avait pas un goût de déjà vu ça ?

- Lucy, je… y a un truc que je voudrais te dire… Je…

La jeune fille le regardait avec des yeux ronds alors que le Dragon Slayer s’enlisait dans ses propres hésitations. Un miracle était-il en train d’advenir ? Allait-elle finalement obtenir sa déclaration ? Malgré toutes les épreuves traversées et la fatigue accumulée, l’espoir fit sauter un nouveau battement à son cœur.

- En fait… Tu… enfin tu vois quoi, je…

Oh oui elle voyait ! Sans trop savoir ce qu’elle faisait, Lucy tendit doucement la main pour relever le visage du Salamander. Il la regarda dans les yeux, un sourire un peu gêné aux lèvres, les joues rouges. « Il est trop mignon ! » Pensa-t-elle, attendrie. Et elle perdit pied. Au diable sa tant désirée déclaration. Elle n’avait plus d’importance. La jeune fille avança son visage vers celui de Natsu et posa ses lèvres sur les siennes, juste une seconde. Puis elle s’écarta, le cœur battant, la respiration haletante, guettant la réaction du jeune homme.
Elle ne fut pas déçue. Il avait les yeux écarquillés et sa bouche menaça de se décrocher sous l’étonnement. Devant son air si surpris, elle éclata de rire. Sa vie serait tellement monotone et ennuyeuse s’il n’était pas là !

- Je t’aime Natsu, dit-elle simplement en souriant.

Le jeune homme reprit ses esprits bien vite, l’attira vivement contre lui et lui chuchota à l’oreille :

- Moi aussi, je t’aime Lucy.

Il l’embrassa à son tour, et de tendre, il se fit plus passionné, plus avide, la serrant plus fort. Il avait eu si peur de la perdre, il était hors de question qu’il la lâche. Ni maintenant, ni jamais.
Lucy était au paradis. Elle avait tellement attendu ! Elle avait du mal à croire qu’elle avait failli manquer ça, et était certaine que rien de ce qu’elle aurait pu trouver de l’autre côté n’aurait pu égaler le bonheur qu’elle ressentait maintenant. Ses bras se resserrèrent autour de la nuque du jeune homme, ses mains se glissant dans ses cheveux, tandis que celles de Natsu descendaient le long de son dos…
Tout à coup, ils entendirent un énorme bruit. Ils sursautèrent violemment, rompant leur étreinte et se tournèrent vers la porte. Ce qu’ils virent laissa Lucy errer dans le grand vite situé quelque part entre la surprise, la gène et l’indignation. Tous leurs amis étaient entassés les uns sur les autres et sur le battant de bois, le tout gisant piteusement au sol. Gray était en dessous de la pile, le visage teinté d’une délicate couleur violacée alors qu’Erza avait son coude serré bien fort autour du cou du jeune homme. Coude auquel Juvia s’accrochait désespérément dans une vaine tentative d’offrir à son cher et tendre la possibilité de respirer, avec l’effort conjugué mais amoindri d’une Wendy un bras en écharpe de fortune. Happy entra en trombe dans la pièce et se posa sur la tête d’un Natsu moins interloqué qu’amusé. Sharuru regardait la scène d’un air exaspéré, mais on devinait un léger sourire sur son visage.

- Gray, espèce d’abruti, tu nous as fait repérer ! Juste quand ça devenait intéressant ! Grondait Erza, en secouant le pauvre mage asphyxié.
- Erza-san arrêtez ! Vous allez étouffer Gray-sama ! Piaillait Juvia, qui, lentement mais sûrement commençait à faire lâcher prise à sa terrifiante aînée.

Celle-ci finit par le libérer, non sans le fusiller du regard, et ils se relevèrent, Gray s’étouffant à moitié. Il ne fallut que quelques secondes à Lucy pour comprendre la situation.

- Vous… Vous nous espionniez ! Balbutia-t-elle, rouge de honte. C’était ça le bruit de tout à l’heure !

Sa confession avait été entendue par tout un chacun. Et pourquoi ils n’avaient pas invité le reste de la guilde, le Weekly Sorcerer et le Conseil de la magie dans son entier tant qu’ils y étaient !

- Gray, je t’avais bien dit de te tenir tranquille, lui lança Erza, en se rapprochant à nouveau dangereusement.
- C’est pas de ma faute ! Il me cherche même quand il sait pas que je suis là, ce crétin !
- QUOI ??? S’écria le Salamander. D’abord je savais que t’étais là, gros pervers ! T’es tellement discret que je t’ai entendu remonter le couloir jusqu’ici !

Lucy n’en croyait pas ses oreilles ! Il savait, depuis le début ? Il n’avait vraiment aucune pudeur ! Qu’est-ce qui se serait passé si leurs amis n’avaient pas fait une entrée fracassante ?! Elle sentit son visage se colorer encore plus, et se tourna vers Natsu, très en colère.

- Tu étais au courant ? Et t’avais l’intention de me prévenir quand, exactement ?
- Désolé désolé désolé ! Répondit-il avec un sourire penaud. Je les ai entendus, et puis après il s’est passé ça… et ça et j’ai… oublié…

La jeune fille en était estomaquée. Mais devant cet air de petit garçon innocent, son ire retomba. Elle soupira. Cette relation promettait d’être très, très fatigante ! Mais elle connaissait Natsu, elle savait dans quoi elle s’engageait. Et elle était persuadée que ça en valait la peine.
Voyant l’orage s’éloigner, Gray osa s’approcher de son amie, suivi de toute la troupe.

- Content que tu t’en sois tirée, commença-t-il, heureux de pouvoir dévier la conversation. Tu nous as flanqué une sacrée frousse. Et puis le bouffeur de flammes commençait à me taper sur le système, à geindre sans arrêt. Je ne l’aurais pas supporté très longtemps.
- Bon retour parmi nous Lucy, poursuivit timidement Juvia, pendant que leurs petits copains respectifs se lançaient toutes sortes d’injures colorées à la figure. Et félicitation, murmura-t-elle avec un signe de tête vers Natsu.
- Lucy-san, j’ai eu si peur ! Sanglota Wendy au chevet de la blonde.
- Ne refais jamais ça, tu as fait pleurer Wendy, la gronda une Sharuru qui ne pouvait cacher son propre soulagement.
- Tiens Lucy, c’est un poisson de rétablissement ! S’exclama joyeusement Happy en lui lançant le dit animal à la tête dans son excitation.
- Lucy Heartfillia ! Tonna Erza. La prochaine fois que tu passes si près des Enfers, je viendrai t’y chercher moi-même et je te ramènerai par la peau des fesses s’il le faut !
- A…AYE ! Répondit la jeune fille.

« Pourquoi les Enfers ? Avec tout ça je crois que j’aurais bien mérité le paradis ! »

- Heureusement, tu n’as rien, continua la puissante mage, en serrant son amie contre elle.

Ou plutĂ´t contre son armure. SHBONG !!

- Aïe ! Me…merci Erza, merci tout le monde ! Je suis tellement heureuse d’être parmi vous… Je crois que je n’ai pas besoin de mourir pour trouver le paradis, il est ici et …

Mais personne ne l’écoutait plus. Gray et Natsu se bagarraient pour savoir qui avait eu une copine le plus tôt, Erza leur hurlait d’arrêter, que Lucy avait besoin de calme et que sa chambre n’était pas un putain de champ de bataille. Juvia courait après les vêtements éparpillés de son petit ami, qui s’était retrouvé en sous-vêtements en moins de temps qu’il ne lui en avait fallu pour hurler : « Je vais te démolir la tronche NATSUUUU !! ». Wendy faisait des « shhhhut shhhhut » en gesticulant de son bras valide, essayant d’amener tout le monde vers la sortie, sans grand succès. Comme d’habitude, Happy essayait de refourguer un poisson à Sharuru (celui qu’il venait d’offrir à Lucy, non que ça la dérangeait n’étant pas une grande fan de poisson cru pas frais, mais tout de même, un cadeau restait un cadeau), cette dernière l’ignorant superbement en se contentant de lever les yeux au ciel devant cette scène purement Fairy Tailienne. Lucy soupira. Encore. Dieu qu’ils pouvaient lui donner d’intenses maux de crânes parfois ! Eux, ou le contrecoup des combats et de son inconscience prolongée…
Décidant de profiter du désintérêt soudain ¬¬¬–et quelque peu agaçant– de ses amis pour son sort, la constellationniste prit quelques instants pour détailler son environnement. Elle se trouvait sur un matelas défoncé posé à même le sol, dans une grande pièce aux murs de pierre. Elle reconnut cette ambiance austère et frissonna. Ils étaient toujours au manoir de Dark Holders. Enfin, dans ce qu’il en restait. A travers la seule fenêtre de sa chambre de fortune, la jeune fille apercevait dans les pans de murs détruits et les jardins encombrés de gravas un paysage presque post apocalyptique, baigné dans la lumière douce du soleil d’automne.
La jeune fille se laissa tomber sur ses oreillers en geignant, vaine tentative d’accéder à un repos, selon elle, bien mérité. Même si intérieurement elle se plaignait du boucan fait par ses amis, en réalité, elle se trouvait tellement soulagée qu’ils soient tous en vie !
… Tous ? Vraiment ?…
Elle se souvint alors avoir perçu une pensée lointaine, comme un écho, tout à la fin, juste avant de perdre connaissance :

« Au revoir… »

…………………………………….

Elles étaient enfin à la maison. Une voix s’éleva dans le calme infini.

« J’ai entendu vos regrets de partir, et votre désir de rester. Vous avez accompli votre mission en tant qu’héritières, mes enfants, mais votre chemin dans cette vie reste encore à trouver et parcourir… »

Une silhouette se dessina, éthérée, irréelle. Mirage de leur esprit évanescent ou présence véritable, elles n’auraient su le dire. Même sans leur corps, même sans leurs yeux, elles la percevaient clairement. Son essence dessina dans leur conscience de longs cheveux roux flottant autour d’un visage diaphane et deux yeux vairons, l’un bleu, l’autre vert, brillant d’un doux éclat angélique. Elles pressentirent presque une auréole dorée couronnant sa tête et une paire d’elles d’un blanc immaculé se déployer dans son dos. Le croissant de lune orné d’une étoile, incrusté, taillé dans la peau de son front comme la cicatrice d’une brûlure ancienne luisait faiblement, semblant s’estomper lentement. Sa voix chantante résonnait autour d’elles, en elles, comme transperçant leur cœur. Sans l’avoir jamais entendue, elles surent. Sans l’avoir jamais vue, elles la reconnurent.

« Tout a commencé avec moi, et s’est terminé grâce à vous. Votre victoire, en plus d’avoir préservé notre monde, me donne la chance d’enfin poursuivre mon voyage. »

Ce timbre si doux et joyeux mais marqué par les épreuves les submergea d’une félicité teintée de mélancolie nostalgique.

« Vous voici à un carrefour de votre existence. Vous avez sauvé le monde et déjoué le destin en renonçant à tout et à vous-même. En récompense, un choix vous est offert. Considérez que vous avez accompli ce qui devait l’être dans cette vie et soyez les bienvenues dans les jardins éternels où la suite de votre chemin vous attend. Choisissez vos incarnations présentes et vous retournerez sur terre achever l’histoire de Yume ou de Mirai, libérées du fardeau et des pouvoirs de vos ancêtres. »

Ces paroles, elles ne les comprirent pas. Malgré toutes leurs erreurs, elles étaient autorisées à vivre à nouveau sur terre ? Mais pourquoi le désireraient-elles ? Là-bas, tout n’était que lourdeur et souffrance, alors qu’à portée de leurs doigts se trouvaient la sérénité et la joie éternelles. Pourquoi cette proposition ? Et surtout, pourquoi l’hésitation s’insinuait en leur être, serpent venimeux maculant leur joie intense et pure ? N’ayant pas même envisagé avoir le choix, elles s’étaient résignées et avaient accepté leur sort avec une gaieté non retenue. Cependant…
Mais une autre question se posait. Qu’allait-il advenir d’elles après la décision ? Elles qui avaient toujours été deux moitiés d’un tout, allaient-elles être unes et seules ? Deux cœurs nés pour vivre dans ce lien magique et indéfectible souffriraient-ils le caractère si définitif d’une telle séparation? Elles s’étaient incarnées jumelles, avaient toujours été bien plus. L’éveil des pouvoirs sacrés chez celle qui n’était pas la prêtresse le leur avait montré. La fin de la prophétie briserait-elle également ce lien ? La peur de la solitude les étreignit brutalement, mais leur choix se devait individuel, elles avaient à présent des aspirations propres et peut-être différentes…
L’amour qui les enveloppait se fit plus doux encore, plus encourageant. Bien qu’elles les eurent tous deux perçus depuis longtemps, à ce moment seulement elles comprirent. Leur père les avait quittées et avait rejoint leur mère lors du combat. A présent, ils étaient là, tous les deux, les entourant de leur affection et de leur protection, infrangibles et inaltérables. Malgré la tristesse elles l’acceptèrent, car bien que pour l’instant intangibles, ils étaient et seraient à leurs côtés, et peu importait leur choix.
Alors, par respect et pour l’amour inconditionnel qu’elles partageaient, elles surent qu’elles accepteraient la volonté de chacune, quelle qu’elle serait. Elles n’eurent pas besoin de se consulter pour connaître, pour ressentir la réponse de l’autre.
Toutes deux sachant ce qu’elles perdraient lorsqu’elles formuleraient leur désir, les deux jumelles profitèrent des derniers instants pour s’imprégner de ce à quoi elles se préparaient à renoncer. Et enfin…
La voix chantante s’exclama joyeusement.

« Je vois ! Très bien, qu’il en soit ainsi ! Avant de vous quitter, j’ai un dernier cadeau pour vous… »

……………………………………


« Tu vois maman, j’ai finalement fait moi-même le premier pas avec Natsu, et cela a donné une scène plutôt… habituellement inhabituelle. Mais je suis rôdée maintenant, et c’est comme ça que je les aime ! Et puis, j’étais heureuse. Tout le monde à Fairy Tail était sain et sauf. Et malgré la rudesse des combats, certaines choses se sont dénouées entre nous, comme pour moi et Natsu ! Mais pas seulement. En croyant perdre Juvia, Gray a enfin accepté ses sentiments lui aussi, et aujourd’hui, ils filent le parfait amour ! Enfin, je crois… Peut-être… A leur manière ? Juvia est toujours aussi possessive, surtout lorsqu’il prend à Gray de se déshabiller en public (je te rassure, rien n’a changé de ce côté-là, cela lui arrive toujours aussi souvent !). Mais ils partagent une très jolie complicité, et je suis heureuse que Gray ait enfin pu ouvrir son cœur à quelqu’un, au vu de son passé. Et même s’il râle de temps en temps, elle lui apporte le petit grain de folie dont il a besoin.
A ce moment là, j’étais vraiment soulagée tu sais, mais je ne savais pas encore… »

« Au revoir… »

Une idée alarmante se fraya un chemin dans l’opaque nébuleuse des réflexions de la constellationniste épuisée, encore engourdies par la brutalité des combats.

- OĂą sont les autres ? Les mages de Dreaming Light ? Demanda-t-elle brusquement.

Toutes les disputes, les piaillements et les rappels à l’ordre s’évanouirent subitement, et un lourd silence suivit sa question. Puis Erza s’approcha, s’assit sur son lit, lui prit la main, et commença :

- Et bien…

Mais la reine des fées n’eut jamais le loisir de terminer sa phrase. Trois silhouettes émergèrent sur le seuil et rassurèrent Lucy quant au sort de leur propriétaire. Mais sa gorge se serra lorsqu’elle constata que certaines manquaient à l’appel…

…………………………………….

Son corps était si lourd, si gourd, si encombrant ! Elle s’y sentait à l’étroit, comme engoncée dans un carcan bien trop serré et oppressant. Rien que soulever les paupières lui imposait de mobiliser une énergie qu’elle n’avait pas. Elle s’était sentie si bien, si légère là-bas ! Pourquoi était-elle revenue, déjà ? Elle n’en était plus très sure, les souvenirs s’estompaient, se mêlaient dans un brouillard flou et lumineux. Peut-être n’ouvrirait-elle pas tout de suite ses yeux épuisés…
Un drôle de son réveilla ses oreilles endormies et titilla sa mémoire. Son cerveau sembla se remettre doucement en marche.

- Yume ?

Un bruissement, puis une sensation douce et chaude sur sa main.

- Qu’y a-t-il Chuu ? Elle est réveillée ?

Une voix inquiète et fébrile, où transparaissait une note d’espoir incrédule.

- Je ne sais pas, j’ai cru que… Yume ? Tu m’entends ?

Oh oui, elle l’entendait ! Son cœur se gonfla, explosa d’amour et de tendresse. Alors, elle se souvint de la raison qui l’avait poussée à revenir. Délivrée du poids de ses obligations, elle avait enfin pu honorer sa promesse et avoir la joie de le choisir lui, repoussant de fait, en toute conscience, la béatitude éternelle. Si seulement elle pouvait lui répondre ! Son timbre angoissé, ravivé par l’espoir, obscurci par la peur lui était insoutenable. Elle devait lui dire qu’elle allait bien, qu’elle était là. Qu’elle resterait à ses côtés.
Mal à l’aise, incommodée par le moule étrange de son enveloppe charnelle et inapte à la parole, elle ne put que bouger les doigts et les referma faiblement sur ceux de son amant.

Je suis avec toi.

Ce simple geste, cette seule pensée l’ajustèrent et l’enracinèrent dans son corps, lui en rendirent le contrôle. Elle n’était pas juste revenue. Elle était rentrée chez elle, là où, à cet instant précis, elle devait être.
Elle prit une grande inspiration, et le plus naturellement du monde, ouvrit les yeux. Elle sourit.
Il était là, penché au dessus d’elle. L’anxiété qui marquait durement ses traits tirés se mua alors en un soulagement presque trop violent pour le jeune homme. Sa respiration se bloqua. Il ouvrit la bouche, il avait tant à lui dire, rien ne put en sortir. Des larmes emplirent doucement ses yeux rivés sur le visage de porcelaine, incapables de le quitter, incapables de bouger.
La jeune femme se redressa lentement, incertaine de ce que son corps supporterait. Elle leva son bras et déposa tendrement sa main sur la joue humide de la seule perle d’eau salée échappée du barrage de la volonté du jeune homme.
Chuujou recouvrit les doigts fins de sa large paume, ferma les paupières et se perdit un instant dans ce doux contact. Et enfin, il se laissa submerger par le flot d’émotions qu’il contenait depuis trop longtemps. Ses yeux débordèrent et il ne put retenir ses sanglots. Yume l’attira à elle et l’enlaça fort, tentant de lui exprimer l’entièreté de ses sentiments, finalement libérée des entraves de la prophétie, désireuse lui donner tout son amour, son avenir, sa vie.
Et là, le tenant au creux de ses bras, elle put lui murmurer ces paroles qu’il lui avait déjà confiées depuis longtemps, qu’elle avait toujours rêvé pouvoir lui rendre :

- Je suis enfin Ă  toi.

Shin n’osait respirer. Lui aussi aurait voulu se précipiter vers son amie et la serrer dans ses bras, lui dire qu’il était heureux qu’elle soit saine et sauve. Mais, il leur laissa cet instant d’intimité pour se retrouver, enfin. Il aurait tout le temps d’exprimer sa joie plus tard. D’autant plus qu’elle ne pouvait être vraiment entière à cet instant. Le réveil de la rousse raviva l’espérance autant qu’il le plongea plus profondément encore dans le gouffre de ses tourments. Mirai ne semblait toujours pas vouloir ouvrir les yeux. Le jeune homme se rassit le dos contre le mur de pierre à ses côtés et passa délicatement le bout de ses doigts sur son front, en surveillant les mouvements de sa poitrine. Elle respirait toujours. Il ferma les yeux et les souvenirs récents remontèrent.
Une fois revenu à lui, il se trouvait aux côtés de son frère et des mages de Fairy Tail, qui émergeaient également d’une inconscience d’une durée indéterminée. Il savait seulement que la lumière rougeoyante du soleil embrasait doucement la cime des arbres, et cèderait bientôt la place à l’astre lunaire. Ils étaient en vie, et une fois que le Dragon Slayer des Cieux s’était occupé d’eux, hors de danger. Excepté la mage stellaire qui restait inconsciente. Mais Wendy avait l’air relativement confiant sur son sort.
Là, Chuujou lui appris la mort de Tairyoku. Il la reçut comme un choc en pleine poitrine, en eut le souffle coupé. Il ne put plus rien dire, plus bouger jusqu’à la fin de ses soins. Mais dès qu’ils furent capables de se lever, il se força à se reprendre. Son frère et lui se lancèrent immédiatement dans une recherche frénétique des jumelles. Ils avaient croisé le chemin de quelques sbires ennemis désorientés qui n’avaient pas pu fuir à temps et s’étaient trouvés pris dans un combat qui les dépassait. Ils en interrogèrent quelques uns, et apprirent de façon plutôt décousue que la plupart de leurs camarades s’étaient précipités vers la forêt dès l’apparition du premier démon, lorsqu’ils s’étaient rendu compte que personne n’en avait le contrôle, et qu’ils auraient aimé si possible et sans les commander agir à leur tour comme des couards et imiter leurs compagnons. N’ayant que faire d’eux, ils les relâchèrent et reprirent leurs recherches.
Ils avaient eu très peur en retrouvant les deux jeunes femmes inanimées au centre des ruines du donjon, leurs doigts entrelacés et un sourire paisible ornant leur visage. La jeune guérisseuse s’était précipitée à leur chevet et avait soigné leur corps. « Tout dépend de Yume-san et de Mirai-san, à présent » avait-elle déclaré en secouant la tête devant son impuissance.
La nuit tombait à nouveau et rien n’avait changé du côté de la rousse aux yeux verts. Malgré le réveil de Yume, le bonheur qu’il lui procurait et l’espoir de voir Mirai ouvrir les yeux à son tour, Shin ne pouvait repousser totalement son angoisse. Leur prêtresse avait une excellente raison de s’accrocher à la vie, il en était conscient. Mirai avait-elle encore ne serait-ce qu’une attache dans ce monde, qui lui donnerait l’envie et la volonté de leur revenir ? Elle les avait déjà quittés une fois, pour un autre. Et si elle choisissait à nouveau de le suivre ? Et si son corps était tout simplement trop affaibli pour survivre ?
Un mouvement dans son champ de vision le ramena à la réalité. Yume avait lâché Chuujou, et se tournait vers lui. Lorsque leurs yeux se croisèrent, ils se sourirent, et avant qu’il ne puisse esquisser un geste, elle était près d’eux et il la serra dans ses bras.

- Je suis heureux que tu sois en vie, dit-il simplement.
- Oui, moi aussi ! RĂ©pondit-elle en lui rendant son Ă©treinte.

Shin reposa son regard sur Mirai et soupira. Yume s’agenouilla au chevet de sa sœur et esquissa un sourire teinté d’une once de tristesse.

- Elle a pris sa décision, tu sais…

Le jeune homme marqua un temps d’arrêt pour intégrer les paroles de son amie.

- Qu’est-ce que tu veux dire ? S’exclama-t-il finalement avec horreur. Est-ce qu’elle va… ?

Sa voix se brisa, laissant sa phrase en suspens.

- Je ne sais pas si elle parviendra à revenir, reprit Yume, pensive. Mais elle n’a pas choisi la mort, ajouta-t-elle en caressant le visage de sa jumelle. Nous devons seulement lui laisser le temps de retrouver son chemin jusqu’à nous, et attendre patiemment son retour.
- Comment le sais-tu ? Souffla faiblement Shin. Est-ce que… tu l’as vu ?

Yume marqua un temps d’hésitation avant de répondre. Comment le savait-elle ? Elle n’avait que de très vagues souvenirs. Une douce lumière, la présence d’êtres chers, une décision… Et surtout les images vacillantes d’un rêve, incertaines et pâles, mais encore possibles. Un mariage…, le sien… Et aux côtés du sourire éclatant de son ancien fiancé et nouvel époux frappant haut la main de son frère, celui, radieux, de Mirai levant à bout de bras le bouquet fraîchement réceptionné. Tout irait bien. Elle aurait encore du chemin à parcourir avant de pouvoir sourire ainsi, mais ils seraient heureux et ensemble. Elle y croyait.

- Je ne rêverai plus, c’est terminé, répondit-elle finalement. Mais, j’ai foi en elle.

Elle se tourna vers Shin et lui sourit. Ce fut contagieux, et malgré son angoisse, son ami lui renvoya son sourire. Puis, l’ancienne prêtresse se pencha vers sa sœur et déposa un baiser sur son front, avant de chuchoter :

- Reviens lorsque tu seras prête. Je t’attendrai.

Elle le ferait. Et Mirai reviendrait. Elle en était sure. Du moins, devant les autres elle se devait de le paraître.

Puis elle se redressa et l’inquiétude assombrit soudainement ses traits.

- OĂą sont les autres ? Les mages de Fairy Tail ? Vont-ils bien ? Demanda-t-elle en levant le visage vers Chuujou puis Shin.

Après le bonheur d’avoir retrouvé une partie des siens, elle se sentait soudain anxieuse de ne pas les voir à leurs côtés, et de n’avoir aucun souvenir de leur présence dans son rêve.

- Ils vont bien, la rassura Chuujou. Wendy-chan nous a tous soignés de son mieux. Elle n’a pas pu refermer toutes nos blessures, mais cette fillette est vraiment extraordinaire.

Ce fut au tour du jeune homme d’hésiter. Mais elle devait savoir, il ne pourrait le lui cacher longtemps. Il s’approcha et s’agenouilla à côté de la rousse.

- Par contre, ton… non, votre père…il…, commença-t-il, la voix tremblante.

Yume posa sa main sur les lèvres de son compagnon. Elle avait évité la question, car elle savait, mais ne se sentait pas prête à affronter la vérité. Elle se souvenait, cependant. Il était là-bas avec leur mère, elle les avait ressentis, simples présences réconfortantes, mais qui leur avait donné le courage de choisir. Et aussi douloureux fut-il, elle avait déjà réalisé qu’il ne s’agissait que d’un au revoir. Lorsque sa propre heure aurait sonné, ils viendraient la chercher à nouveau. Quelques larmes roulèrent néanmoins sur son visage, et elle répondit :

- Je sais.

Ils auraient tous du chemin Ă  parcourir avant de pouvoir Ă  nouveau arborer les sourires lumineux de son rĂŞve.
Tous trois demeurèrent un instant dans un silence ému et triste mais réconfortant. Ils se connaissaient depuis toujours, et à cet instant, se comprenaient parfaitement. Ils savaient qu’il ne manquait plus qu’une chose avant le retour complet du bonheur. Ils l’attendraient…

………………………………….


« Après le réveil de Yume-san, pardon, de Yume (elle nous a dit que nous n’étions pas obligés d’être aussi polis avec elle et que si nous voulions la tutoyer, nous le pouvions. Ca m’a fait un peu bizarre au début, mais après tout elle n’est plus prêtresse, et je crois qu’elle souffrait de la solitude que son statut lui imposait. Ca n’a par contre posé aucun problème à Natsu qui ne l’a de toute façon jamais vouvoyée. Des fois, j’envie son franc-parler. J’ai accepté avec joie, tout comme les autres, mais lorsque je ne m’adresse pas directement à elle, il arrive que j’aie des rechutes… Je ne suis pas toute seule, Wendy n’a carrément jamais réussi ! Ca doit être à cause de la différence d’âge).
Donc je disais : après le réveil de Yume, tout s’est passé très vite. Elle essayait de nous expliquer ce qu’elle avait vu et ressenti de l’autre côté en soignant le bras de Wendy. C’est vraiment dingue ! Il y aurait réellement quelque chose après la mort. Cela me rend heureuse et je suis extrêmement curieuse par rapport à tout ça, mais en même temps, je ne suis pas vraiment pressée de savoir… Tu sais, elle pense que ses deux parents étaient là (où que ce « là » se trouve) avec elle et Mirai avant qu’elles ne fassent leur choix. Parfois, je me dis que j’aimerais bien, moi aussi, pouvoir sentir ta présence à mes côtés. Je sais que tu veilles sur moi, mais… Enfin, ce n’est pas le sujet.
Yume nous a dit qu’elle avait perdu le pouvoir de la lumière sacrée et celui de lire dans les rêves. Je pense que c’est une bonne chose pour elle. Voir le futur semblait vraiment difficile à vivre. Elle nous a également appris que Mirai avait choisi de revenir aussi. Mais, cela fait sept ans, et elle ne s’est toujours pas éveillée. Yume pense que sa culpabilité la retient, comme si elle n’était pas digne de vivre à nouveau parmi les siens, et que nous ne pouvions qu’attendre qu’elle se pardonne et retrouve son chemin. Mais je ne comprends pas tellement ce que cela signifie. Est-ce que ça veut dire qu’elle errera toute seule en ressassant sa culpabilité, jusqu’à ce qu’elle s’en défasse ? Je trouve ça vraiment très triste. J’ai essayé de demander des explications à Loki, Virgo et au vieux Crux, mais ils m’ont répondu que le monde des esprits stellaires était très différent de celui des morts et qu’ils n’en savaient pas plus que moi (et bien sûr, Virgo a voulu que je la punisse pour son ignorance et son incompétence. Je ne l’ai pas fait, évidemment !).
Et puis, tout à coup, la porte s’est ouverte à la volée, et toute une armada de soldats du Conseil a envahit la pièce ! Déjà qu’on n’avait pas beaucoup de place avant, là on se sentait comme des sardines sur qui on aurait pointé des lances bien affutées ! Un capitaine nous a demandé si nous avions un quelconque rapport avec la formidable manifestation magique que leurs appareils avaient détectée ici deux jours auparavant. Forcément, à la mention de Conseil, Natsu s’est mis à paniquer et a essayé de s’enfuir par la fenêtre, mais Erza l’a plaqué au sol et tout le monde s’est tenu à carreau. On nous a à tous passé des menottes magiques et puis nous avons été emmenés séparément pour être interrogés par des officiers. Nous leur avons raconté notre histoire. Je n’avais pas envie de rentrer dans les détails de la prophétie, j’avais peur que le Conseil ne cherche à s’emparer de Yume ou de Mirai au cas où ils pourraient tout de même retrouver trace et tirer parti de leur ancien pouvoir. Mais juste avant d’être elle-même embarquée, elle nous a intimé de dire la vérité, alors… C’est ce que j’ai fait.
Cela m’a d’abord étonnée, mais les mages de Dreaming Light ont eu assez rapidement l’autorisation de quitter le camp pour rentrer à leur ancien sanctuaire et rendre les derniers hommages à leurs disparus, alors même que leur guilde était encore classifiée comme clandestine. L’armée n’a même pas essayé de garder le corps de Mirai, toujours endormie, pour l’étudier. Pour être totalement honnête, je soupçonne une intervention d’Erza. J’ai pu rencontrer le commandant de l’expédition. Il avait l’air très jeune et impatient de faire ses preuves, mais aussi très impressionnable. Et dès qu’il la voyait, il se mettait à trembler et faisait demi-tour en prétextant des papiers importants à signer dans sa tente, ou une séance de méditation urgente et intensive. Encore un qui n’aura pas tout de suite son avancement !
Bien sûr, nous avons voulu accompagner nos amis pour les soutenir dans leur deuil. Et c’est là que ça s’est corsé… A cause des dégâts déjà causés par Fairy Tail et de notre réputation, l’armée du Conseil a voulu nous empêcher de quitter le campement ! J’ai déployé tous mes charmes pour amadouer nos geôliers et éviter que les autres n’en viennent aux mains, mais cela n’a eu aucun effet ! Oh, ne te moque pas de moi, hein, j’étais désespérée, et en plus c’était une idée de Gray. Celui-là alors ! Je crois qu’il en rit encore. Par contre, il a beaucoup moins rigolé quand Juvia a commencé à s’indigner du fait que son andouille de petit ami évoque les charmes de sa rivale en amour. Et quand je dis indignée, tu connais Juvia maintenant, ça menaçait de faire des étincelles ! Sous la pression, il s’est fendu d’une explication qui ne m’a pas vraiment parue satisfaisante : visiblement, sa bien-aimée était bien trop « pure et innocente » pour user de tels procédés ! Et moi alors ?! Surtout que, je ne sais toujours pas ce qu’il lui a fait avant qu’ils ne partent la première fois pour Dark Holders, mais je suis sure et certaine que ça n’avait rien de « pur et innocent » !
Finalement, le commandant, qui refusait de venir nous entendre, a reçu une deuxième visite d’Erza. Wendy et moi l’avons accompagnée cette fois-ci. C’était la condition sine qua non pour qu’il accepte. Nous avons apparemment l’air trop inoffensif et fragile pour que Titania ne tente quoi que ce soit devant nous (il a assisté à la colère de Juvia, et c’est sans étonnement qu’elle a été dispensée d’audience diplomatique). Si seulement il savait ! Mais ça s’est plutôt bien passé, finalement. Nous avons eu droit de partir avec eux à condition que nous portions des bracelets de localisation (tout comme Dreaming Light), que nous nous engagions à rester à l’intérieur du royaume de Fiore et à nous présenter au siège du Conseil sur convocation. Ils ont même accepté de nous enlever nos menottes anti-magie à l’intérieur du campement. Ce qui fut plutôt une erreur pour eux, mais une aubaine pour nous. Tu comprendras tout à l’heure.
Sur ce, le commandant nous a prêté un véhicule pour nous rendre à notre destination (il est extrêmement difficile de dire non à Titania), et tout aurait pu s’arrêter là… si Natsu n’avait pas (encore) paniqué au mot « véhicule ». Il a détalé tout droit devant lui en hurlant qu’il rentrait à pied et on ne l’aurait probablement jamais retrouvé si une odeur ne l’avait pas arrêté. Il est vraiment impossible ! Oui, oui, je sais, c’est aussi pour ça que je l’aime ! Mais quand même. Par contre, je suis désolée maman, mais mon récit redevient un peu triste.
Je ne t’ai jamais vraiment parlé de Sae. Son histoire fait partie des horreurs sur lesquelles je n’ai pas envie de revenir et qui m’angoissent encore parfois la nuit. C’était une pauvre jeune fille qui a été manipulée par notre ennemi, Kyouaku, jusque dans et après sa mort. Oui, tu as bien lu. Il s’est servi de son cadavre comme d’une marionnette pour lui faire exécuter de sales besognes. Rien que d’écrire cette phrase me fait trembler d’effroi. Natsu l’a affrontée et a rompu le sort qui la rattachait à son maître. Et bien, l’armée a retrouvé son corps, et après nos interrogatoires, s’était mise en tête de l’étudier. En s’enfuyant, Natsu est passé près de l’endroit où ils la conservaient et a repéré son odeur. Je n’ose imaginer ce qu’il a pu ressentir. Ca n’a pas été un combat facile, et même si ce n’est pas lui qui l’a tuée, c’était la première fois que son adversaire ne se relevait pas après une défaite.
Je l’ai vu foncer vers une tente en demandant des explications. Je ne comprenais pas ce qu’il se passait mais je me suis précipitée derrière lui. J’avais trop peur qu’il fasse une bêtise et qu’on se retrouve tous en prison. Et puis, les autres m’ont appelée, mais je les ai à peine entendus. Parce que je l’ai vue, là sur une table blanche. Honnêtement maman, encore maintenant cette scène me hante et me soulève l’estomac, comme si je l’avais toujours sous les yeux. »


La jeune fille retint un haut le cœur. Le corps en début de décomposition de leur ancienne adversaire était traversé de tubes, de tuyaux, parsemé de câbles et d’instruments étranges et biscornus, pour la plupart reliés à des machines émettant des bruits inquiétants.

- Vous n’avez pas le droit d’être ici ! Tonna un officier très mécontent.
- Mais, que lui faites-vous ?! S’exclama la constellationniste d’une voix blanche, oppressée par cette atmosphère aussi glauque que pesante.
- Cela ne vous regarde pas, intervint un homme portant une blouse immaculée, tandis que ses compères en combinaison complète continuaient d’étudier leur nouveau cobaye en faisant montre d’une indifférence totale.

Les deux hommes tentèrent de pousser les mages hors de la tente, sous les protestations indignées de Lucy. Ce fut à ce moment que Natsu ouvrit la bouche.

- Ah… Ah… Aaaaaaaaaah…

Devinant ce qui allait suivre, le militaire et le scientifique s’écartèrent d’instinct avec une mine dégoûtée car, visiblement, dépecer un cadavre en putréfaction ne les faisait pas sourciller, mais les fluides physiologiques des vivants ne les laissaient pas de marbre. S’ils avaient su.

- AAAAAAAATCHOUM !!!!!

Un geyser de flamme sortit de la bouche du Salamander et les chercheurs s’écartèrent de justesse. Mais pas Sae.
Le corps prit feu de manière si rapide qu’elle en fut suspecte, et bientôt il n’en resta plus qu’un petit tas de cendres fumantes, constellé de débris de plastique et de métal, au beau milieu d’une troupe de savants et de militaires abasourdis et atterrés, enveloppés d’une immonde odeur de chair carbonisée.

- Ah ! S’exclama Natsu avec grand sourire innocent. Désolé ! Du coup, comme vous pouvez plus rien en tirer maintenant, ça vous dérange si on récupère les cendres avant de partir ?

Les yeux lui sortant de la tête, Lucy lutta contre sa propre stupeur et profita de celle de leurs geôliers, passa le seuil de toile et appela Gray. Le jeune homme n’était pas loin, ainsi que tout leur groupe et une bonne partie des militaires qui lui avaient emboité le pas.

- Tu peux me faire une boîte, s’il-te-plait ? Demanda-t-elle rapidement.

Devant l’air sidéré de son amie, le mage de glace ne posa pas plus de questions et s’exécuta. La blonde s’empara de l’objet et se rua à l’intérieur. Les scientifiques commençaient tout juste à se ressaisir. Lucy n’attendit pas qu’ils soient en état de protester, et fronçant le nez sous l’odeur vomitive, s’attela à récupérer les cendres dans son contenant de fortune. Puis, elle attrapa Natsu de son bras libre et le tira hors de la tente en lâchant :

- Nous sommes désolés !

Elle se dirigea vers leurs amis, et sous le regard inquisiteur d’Erza baissa les yeux en marmonnant un « Tout va bien c’est mieux comme ça » relativement incompréhensible sur le coup.

« Tu aurais vu leur expression maman, c’était à mourir de rire ! Enfin, maintenant j’en ris, mais sur le moment j’ai bien cru que la tête du chef des scientifiques allait imploser et qu’on allait se faire arrêter ! Mais si j’ai bien compris, ils n’avaient encore rien trouvé et ne pensaient de toute façon pas pouvoir trouver grand chose, donc on s’en est bien tirés.
Yume a aussi voulu récupérer le corps de Yoru. Après ce qu’il a fait pour sauver Mirai, je crois qu’elle lui a pardonné le reste. Au moins un peu. Mais Nous ne l’avons jamais retrouvé. Shin et Erza étaient là aussi à ce moment, et ils pensent qu’il a été désintégré lorsque Mirai a… perdu la tête.
Erza et moi avons finalement réussi à pousser Natsu dans la voiture (Erza l’a assommé), et nous sommes partis pour un long voyage cahin-caha dans la montagne jusqu’à Dreaming Light. Gray avait protégé le… enfin, maître Tairyoku dans la glace pour le trajet.
La route a duré plusieurs longues heures. Personne n’a beaucoup parlé, tu sais. Nous étions tous épuisés physiquement et nerveusement. Yume a gardé Mirai auprès d’elle pendant tout le voyage. On aurait pu la croire seulement endormie. Wendy a tenu à vérifier son état plusieurs fois, mais le verdict était toujours sans appel. Il n’y avait rien de plus qu’elle pouvait faire.
Nous avons fini par arriver à Dreaming Light. Erza n’a rien dit, mais elle titubait un peu lorsqu’elle est descendue du véhicule. C’est elle qui l’a alimenté en magie pendant toute la route. Après notre combat, je ne sais pas comment elle a pu tenir tout ce temps. Elle est vraiment stupéfiante.
L’endroit était presque totalement détruit, comme dans les souvenirs qu’ils nous avaient montrés. Mais voir ce paysage dévasté de mes yeux m’a fait un choc. Je me suis un instant crue à Fairy Tail lorsque la guilde a été détruite par Phantom Lord, sur les ordres de papa. Je crois que je comprends un peu ce qu’ils ont ressenti en voyant leur foyer dans cet état, même si les circonstances étaient différentes.
Yume a voulu procéder aux funérailles de son père immédiatement, et aussi au scellement de Mirai. Je ne comprenais pas ce qu’elle voulait dire par là au début. Elle l’a scellée grâce à leur magie de la nature pour la protéger pendant son sommeil. C’est vraiment une jeune femme très forte et courageuse, j’espère qu’elle s’en rend mieux compte à présent. Je crois aussi qu’à ce moment, elle craignait de s’effondrer sous le poids de la fatigue et du chagrin si elle ne prenait pas les choses en main sur le champ. La cérémonie a vraiment été magnifique. Poignante, mais magnifique…»


L’ancienne prêtresse les avait tous réunis devant un somptueux mausolée d’un blanc éclatant, trônant au milieu d’une jolie clairière. Ils avaient été préservés des combats par le petit bout de forêt les séparant de la guilde, qu’ils avaient parcouru dans un silence de mort sous les derniers rayons mordorés du soleil couchant. Malgré la tristesse de l’événement, Lucy se prit à admirer la sépulture surplombant les alentours et à se réchauffer de la gaieté dégagée par les fleurs aux mille couleurs escaladant les épaisses colonnes, gambadant sur le toit, glissant sur les murs.
Yume avait les yeux rivé sur le monument, essayant de puiser du courage dans ce qu’il avait toujours eu de familier pour elle. Ce jour, cela lui était extrêmement difficile. Elle était le chef de famille à présent, une famille réduite, amputée, épuisée. Elle soupira. Shin se tenait à côté d’elle, Mirai dans les bras et attendait qu’elle soit prête. Il était temps pour elle de prendre ses responsabilités. Elle adressa un hochement de tête à son ami. Il déposa délicatement sa princesse assoupie sur le sol et recula.
L’ancienne prêtresse inspira profondément. Des branches sortirent du sol devant l’entrée du mausolée et s’enroulèrent doucement, précautionneusement, presque tendrement autour du corps de Mirai, le ceignant dans un tronc clair et fier, ne laissant visible que les traits de la rousse endormie. Le visage de Mirai s’illumina alors quelques instants et la lumière se propagea au colosse de bois. L’ancienne prêtresse sursauta, ne s’attendant pas à une réaction des pouvoirs de sa sœur à sa magie. Mais elle pouvait sentir leurs forces se mêler. Une vague d’un espoir violent la submergea et les branches s’étendirent, grossirent et fleurirent, leur énergie combinée donnant naissance à un arbre majestueux. Puis la présence de Mirai s’évanouit brusquement et le halo lumineux commença à disparaître, emportant avec lui le courage de l’ancienne prêtresse. De nombreuses lucioles étincelantes vinrent virevolter autour de l’écorce, prolongeant brièvement son éclat et restèrent à ses côtés, comme de petites lueurs guidant les voyageurs jusque hors de leurs rêves les plus noirs. Yume les pria, qu’elles puissent accompagner Mirai et la ramener vers les siens. En attendant, elle reposerait là, protégée par la magie de la nature jusqu’à son éveil.
Immobile, Yume contempla un instant son œuvre, redoutant la suite. Sa besogne n’était pas achevée. Elle savait ce qu’il lui restait à faire, doutait en avoir la force. Mais elle le devait. C’était là sa dernière occasion de rendre hommage à son père, son plus fidèle et infaillible soutien, celui qui l’avait protégée envers et contre tout, négligeant son propre bonheur, ses besoins et sa santé pour lui permettre de survivre chaque jour un jour de plus. Celui qui les avait chéries toute leur vie au détriment de la sienne, même lorsqu’elles se déchiraient et précipitaient le monde vers une fin atroce. Celui qui avait toujours cru qu’elles les sauveraient, sans douter une seule seconde. Aujourd’hui, il n’était plus. Mais aujourd’hui, il était libre, délivré d’un corps meurtri et défaillant, enfin réuni avec celle qui lui avait manqué bien trop longtemps. A travers ses larmes silencieuses et discrètes, Yume eut un faible et éphémère sourire. Bien que loin, il n’était pas seul. Et elle en était sure, il était heureux. La jeune femme ferma les yeux, redressa le visage vers le ciel et prit une profonde inspiration. Puis elle essuya ses larmes et fit face aux autres. Ses yeux se posèrent sur le visage serein de Tairyoku, visible à travers le seul endroit du cercueil de glace que Gray avait eu la délicatesse de laisser transparent, et soudain, cela fut un peu moins difficile. Elle releva le regard vers ses camarades et amis et commença :

- Au nom de mon père, Tairyoku, dix-huitième maître de la guilde de Dreaming Light, je vous remercie tous de votre présence en ce moment funeste. Bien que la tristesse m’étreigne le cœur, je ne veux pas que le désespoir obscurcisse ce jour.

Elle déglutit. Sa voix se fit plus tremblante, sa tâche restait douloureuse. Elle reprit tout de même :

- Je veux me remémorer ceux qui sont partis avec la même joie et le même amour que lorsqu’ils foulaient le sol de cette forêt à nos côtés. Car je sais aujourd’hui que tous les adieux ne sont que des au revoir, que nous nous reverrons.

Les mots parurent se coincer dans sa gorge, mais elle poursuivit, ignorant les sillons humides réapparaissant sur ses joues, parlant plus fort, comme si cela les rendrait invisibles :

- Même s’il me manque, je ne veux pas pleurer en pensant à mon père. Car les souvenirs que j’ai avec lui, s’ils ne sont pas tous heureux, sont beaux. Et je n’en oublierai aucun. C’est pour ça, que je sourirai à sa mémoire.

Malgré elle, un sanglot s’échappa de ses lèvres, puis un deuxième, d’autres suivirent, elle cessa de les compter, de les combattre. Cela ne l’arrêta pas, et ce fut avec conviction, à travers ses larmes qu’elle prononça ses derniers mots :

- Et même si je n’y arrive pas encore, un jour, j’en aurai la force. Alors, aujourd’hui, sourions, tous ensemble pour honorer la mémoire de mon père qui, au-delà d’un être exceptionnel, juste et bon, est et restera toujours le premier homme de ma vie.

Le silence suivit sa déclaration. Chuujou s’approcha de sa bien-aimée secouée par des sanglots qu’elle ne pouvait contenir, et lui prit doucement la main, bouleversé, les yeux rivés sur le visage de son ancien maître. Shin les rejoignit. Il s’agenouilla devant le cercueil, caressa la surface de glace au dessus du front de Tairyoku et, d’une voix rendue rauque par l’émotion, prononça ces seuls mots :

- Merci pour tout, maître…

En l’entendant, Yume rouvrit les yeux et sembla se calmer un peu. Elle n’était pas la seule à souffrir. Elle n’était pas seule.
Les mages de Fairy Tail se regardèrent. Plus que tout, ils désiraient à cet instant montrer leur soutien à leurs amis. Consultant ses camarades regard, Erza obtint leur tacite accord et s’avança vers les trois membres de Dreaming Light regroupés devant le corps, enfermés dans une bulle de peine qui semblait les occulter à présent, eux, la forêt, la nuit tombante, le vent qui se levait.

- En tant que représentante de la guilde de Fairy Tail, j’aimerais dire quelques mots, commença-t-elle.

Les mages endeuillés levèrent vers elle un regard embué, lui accordant leur attention.

- Je n’ai que peu longtemps eu la chance de côtoyer maître Tairyoku. Mais celui que j’ai perçu durant ce temps trop court était un homme vaillant, doté du courage de protéger et chérir les siens de tout son cœur, de la force de rester juste et généreux même dans l’adversité, et de l’ardeur de croire envers et contre tout que l’avenir sera bon et doux en dépit des épreuves.

La jeune femme marqua une courte pause, également en proie à l’émotion, cherchant les mots vrais pour exprimer son ressenti et celui de ses amis. Elle reprit d’un ton clair et fort, la tête haute :

- Je suis honorée, non, nous sommes honorés d’avoir fait sa connaissance et de pouvoir, aujourd’hui et ce malgré sa disparition trop précoce, l’appeler notre ami.

Elle planta tour à tour son regard dans celui de Shin, Chuujou et Yume, et, leur adressant un sourire sincère, poursuivit :

- Je fais la promesse ici et maintenant que ceux qu’il a aimés, et aime encore de là où il veille sur eux, trouveront toujours un soutien à Fairy Tail, quoi qu’il advienne.

Un silence ému suivit sa déclaration alors que les mages de Fairy Tail acquiesçaient avec force.
Yume voulut parler, mais sa voix lui fit défaut. Ce fut Chuujou qui répondit à la mage en armure, d’une voix chargée d’émotion :

- Nous vous remercions…

Puis, l’ancienne prêtresse se reprit et se tourna vers sa famille :

- Il est temps…

Ils montrèrent leur assentiment d’un bref hochement de tête. Yume tendit sa main au dessus du corps de son père. Des racines émergèrent de la terre sous le sarcophage de glace. Elles l’enveloppèrent délicatement, avec douceur, affectueusement, à mesure que Gray annulait son sort, pour former un nouveau cercueil de bois. De petites branches pointèrent de l’écorce foncées et de jolies fleurs multicolores s’épanouirent à leur extrémité, à l’image de celles qui couvraient le mausolée et l’arbre de Mirai. Sa besogne achevée, Yume se tourna et avança solennellement vers la porte du monument. S’arrêtant quelques pas avant de l’atteindre, elle leva le bras, effleurant l’air. Les deux battants s’ouvrirent lentement. Elle s’écarta, eut un geste gracieux vers le cercueil, et les racines poussèrent, le soulevèrent, l’amenèrent au caveau, pour s’y engouffrer et le déposer dans sa dernière demeure. Une fois qu’il fut à l’intérieur, les deux aînés firent signe à Shin de le rejoindre. Le jeune homme pénétra dans l’obscurité et prit le temps dont il eut besoin pour se recueillir et faire ses adieux à son père adoptif. Lorsqu’il en sortit, Chuujou prit sa place. Enfin, ce fut au tour de Yume.
La jeune femme entra dans le tombeau et contempla les nombreux cercueils des précédentes générations de prêtresses alignés dans des niches sur les murs. Au centre de l’immense pièce trônait celui de sa mère, à présent accompagné de celui de son père. La coutume n’était pas de réunir les époux dans ce mausolée. Mais elle n’avait eu le cœur à séparer une fois de plus ses deux parents. Ils s’étaient quittés trop tôt de leur vivant, elle désirait qu’ils soient unis dans l’éternité. Et son père avait tant sacrifié à la cause de leur famille et de leur malédiction, qu’il y méritait amplement sa place. En tant que nouveau maître, elle s’octroyait le pouvoir de prendre une telle décision.
Yume s’approcha des deux cercueils, s’assit sur le bord de celui de sa mère et le caressa du bout des doigts.

- Bonjour maman, murmura-t-elle. Cela fait longtemps que je ne suis pas venue, excuse-moi.

La jeune femme laissa courir son regard sur les nombreuses fleurs ornant le sarcophage et ses doigts le long des branches tortueuses.

- C’est terminé, reprit-elle. Nous avons vaincu la prophétie. Mais Mirai… enfin, je ne t’apprends rien. Et papa… est déjà à tes côtés…

Elle resta quelques instants silencieuse. Puis, elle posa les yeux sur le cercueil de son père, ombre massive dans l’obscurité, parsemée de notes colorées et joyeuses. Malgré sa gorge nouée, elle promit :

- Tout ira bien papa. Je veillerai sur Mirai jusqu’à son réveil, et je veillerai aussi sur Chuu et Shin. Je vais reconstruire la guilde, elle sera plus belle et plus forte que jamais. Nous prendrons soin les uns des autres, alors tu peux te reposer en paix. Je m’occupe de tout.

Elle se pencha et déposa un baiser en même temps que quelques larmes sur le bois dur.

- Je t’aime, papa.

Puis, elle se leva, et après avoir jeté un dernier regard aux deux sépultures, sortit du mausolée. La porte se referma derrière elle avec un bruit sourd qui lui serra le cœur.
Dehors, elle fit face aux mages de Fairy Tail, restés silencieux et immobiles tout ce temps. Lorsque son regard croisa celui d’Erza, cette dernière dit doucement :

- Si vous êtes d’accord nous aimerions également rendre un dernier hommage à votre père, à notre façon.

Un peu surprise, et malgré une envie grandissante d’en finir avec cette longue et pénible journée, Yume donna son accord.
Erza jeta un coup d’œil derrière elle, et vit ses compagnons prêts. Cela lui rappela des souvenirs. Cette fois-ci les circonstances étaient bien plus tristes mais cela rendait la célébration d’autant plus importante. Elle se concentra, revêtit son armure de l’adieu. Lorsque la longue cape rouge et les atours d’aciers revêtirent son corps, Gray, Natsu et Lucy comprirent le signal et firent signe à Juvia et Wendy de rejoindre leur amie avec eux.

- C’est parti ! S’exclama Natsu avant de cracher trois petites boules de feu vers la cime des arbres.

Elles montèrent haut dans le ciel sombre et y explosèrent en un flamboiement orangé et chaleureux, vite rejoint par les fleurs de lumière émergeant de la lance d’Erza. Gray et Lucy échangèrent un clin d’œil et leurs sorts s’unirent bientôt à ceux du Salamander et de la reine des fées, mêlant les éclats glacés et les gerbes stellaires aux flammes dorées et aux fleurs immaculées, illuminant l’éther noir de la nuit presque comme en plein jour. Juvia et Wendy se joignirent au spectacle, la mage de l’eau envoyant une multitude de minuscules gouttelettes refléter les mille feux de ses amis et la guérisseuse les faisant tournoyer autour d’eux, comme autant de petits diamants scintillants.
Yume, Shin et Chuujou levèrent des yeux émerveillés vers le firmament chatoyant, oubliant presque leur chagrin dans la féérie de l’instant. Puis, ils se regardèrent, et leurs visages éclairés reflétaient plus leur gratitude que leur tristesse. Chuujou pointa son doigt vers le haut et des salves d’éclairs éblouissants en sortirent pour embraser le ciel à leur tour, pendant que Yume invoquait une multitude de fleurs, que Shin fit tournoyer autour du mausolée et de leur groupe.
Tous ensemble, unis, le silence seulement troublé par les explosions de lumière et malgré leur cœur lourd, ils fêtèrent la vie plus qu’ils ne pleurèrent la mort.

« Cet instant fut magique, maman. Je ne sais toujours pas si j’étais triste ou heureuse, mais nos liens se sont indubitablement encore renforcés cette nuit là.
Le lendemain, Erza est partie en ville contacter Mirajane pour qu’elle nous envoie des renforts. Nous avions décidé d’aider Dreaming Light à reconstruire leur guilde ! Bien sûr, ils ont refusé notre proposition, prétextant que nous avions déjà fait bien plus que notre part. Je ne suis cependant pas sure qu’Erza ait réellement écouté leur réponse.
Mais avant de nous atteler à la tâche, Natsu, Happy et moi avions juste une dernière chose à faire… »

- AĂŻe !
- Ca va Lucy ?

La blonde sauta sur un pied, l’autre semblant lui faire mal.

- Oui Happy, répondit-elle. J’ai juste un caillou dans ma chaussure… Natsu, attends-nous !

Le jeune homme poursuivait son chemin dans la forĂŞt sans leur prĂŞter attention.

- On arrive bientôt, leur lança-t-il par-dessus son épaule. Je sens l’odeur de l’eau !

Lucy soupira, secoua sa sandale pour en déloger le squatteur indésirable et rejoignit son ami.

- Enfin ! S’exclama-t-elle. La prochaine fois, je mettrais des chaussures plus adéquates à la marche en f… Oh !

Elle s’interrompit brusquement. Ils avaient atteint la lisière de la forêt, comme Chuujou le leur avait indiqué. A quelques pas à peine, le sol se perdait en une pente abrupte. Une quinzaine de mètres plus bas, se trouvait une jolie clairière entourée de la même étendue émeraude qu’ils venaient à peine de quitter, traversée par une petite rivière scintillant au soleil, et parsemée de fleurs colorées. Quelques grands arbres s’y élevaient, géants solitaires prodiguant une ombre rafraîchissante lors des journées ensoleillées comme celle-ci.

- On y est, murmura la constellationniste.
- Oui, répondit Natsu. Ca te convient ?

La jeune femme acquiesça en silence.

- A moi aussi, approuva Happy. Elle sera bien ici.

Lucy sortit de son sac la petite boîte en bois ouvragé empruntée à Dreaming Light, qui avait remplacé l’urne de glace, et la contempla un moment.

- On y va ? Demanda doucement Natsu.
- Je ne sais pas, hésita la jeune fille. On ne devrait pas dire quelques mots, d’abord ?

Tous trois se regardèrent, ne sachant comment commencer. Mais cela n’avait pas d’importance. Ils étaient simplement venus la libérer, cette jeune femme qu’ils n’avaient jamais connue, innocente victime de la perversité malfaisante d’un être qui n’avait plus eu d’humain que le nom. A présent, son calvaire était terminé. A quoi bon jouer les prolongations ?
Lucy souleva le couvercle, tendit la boîte à Natsu. C’était à lui que l’honneur revenait, d’après elle. Le regard du jeune homme se perdit quelques instants dans son contenu. Puis il leur adressa son grand sourire enfantin.

- On le fait ensemble ? Tous les trois ?

La jeune fille essuya une larme et sourit. Elle échangea un regard avec Happy et ils répondirent :

- D’accord !
- Aye !

Ils attrapèrent chacun un coin de la boîte, puis l’Exceed s’exclama :

- A trois ! Un…
- Deux…
- Trois !

Ils retournèrent l’urne de fortune, délivrèrent les cendres grises. Une vive bourrasque les souleva, et les entraîna vers le ciel bleu dans un tourbillon joyeux. Elles passèrent devant le soleil et ils les perdirent de vue. Puis, elles s’éparpillèrent au gré de vents plus doux et la mage stellaire les imagina se poser doucement dans l’herbe tendre. Oui, elle serait bien ici.

- Bon voyage, Sae, chuchota-t-elle.

………………………….

« Une page s’est tournée, une autre commence. Et aujourd’hui est un jour de fête ! Car aujourd’hui, maman, nous sommes revenus à Dreaming Light pour célébrer… »

Lucy suspendit soudain sa plume au dessus de la feuille déjà bien noircie de ses mots. Natsu bougeait dans son sommeil en ronchonnant à propos de poulet rôti. Mais ce n’était pas ce qui l’avait interrompue. On venait de toquer à leur porte. La blonde jeta un regard à l’horloge murale et sourit.
La jeune femme reposa la plume sur son socle et referma sa bouteille d’encre. Puis elle se leva pour aller entrebâiller le lourd battant de bois. Erza, Juvia et Wendy se tenaient sur le seuil, en pyjama, d’encombrants tas de tissus colorés sur le bras et une paire de chaussures à la main.
La jeune fille attrapa ses propres affaires et suivit ses amies. Il était l’heure.